La Bible du crime (NON FICTION) (French Edition) (32 page)

BOOK: La Bible du crime (NON FICTION) (French Edition)
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— Voyez, dit soudain un gendarme, en montrant une blessure que Martin s’était faite en se jetant sur la lunette, ne dirait-on pas qu’il a été guillotiné deux fois ?

L’aide foudroya l’importun d’un regard courroucé.

— Mêlez-vous donc de vos affaires, gronda-t-il.

Et il entreprit de vider, au moyen d’une pelle, les quarante litres de sciure imprégnée de sang qui s’étalaient au fond du panier. Et cela tombait dans les cercueils avec un horrible glouglou.

Au grand trot, le fourgon revint prendre devant la prison la guillotine, qui avait été soigneusement démontée et lavée ; et une heure plus tard les bois de justice étaient revenus à leur quai d’embarquement.

Deibler était rentré à l’hôtel pour se changer, avant de se rendre au cabinet du procureur, qui lui remit le certificat suivant :

“Le Procureur de la République d’Angoulême certifie que le sieur Deibler, Exécuteur des Arrêts Criminels, a procédé aujourd’hui 20 juillet 1933, à 5 heures précises du matin, aux exécutions des nommés Jean Martin et Paul Véteau. Ces exécutions, précédées et suivies de toutes les formalités légales, ont été opérées avec promptitude et n’ont donné lieu à aucun incident.”

Muni de ce certificat, M. Anatole Deibler a pu, dès son retour, toucher au ministère des Finances ses frais de route. On lui accorde, ainsi qu’à ses aides : 9 francs par repas et 0 fr. 10 par kilomètre parcouru.

On répète un peu partout que le bourreau touche tant par tête. C’est une erreur. Hormis ses frais de route, le bourreau ne touche absolument rien d’autre que son traitement annuel, qui s’élève à dix-huit mille francs de fixe, plus dix mille francs d’allocation pour l’entretien de ses bois de justice. Vous vous demandez sans doute pourquoi cet exécuteur septuagénaire n’a pas encore remis au chef de l’État sa lettre de démission. L’histoire vaut la peine d’être contée :

Après l’exécution de Gourguloff, Deibler se sentant las, envoya au ministre son préavis de démission. Il comptait ainsi finir en beauté. Convoqué aussitôt à la Direction des affaires criminelles et des Grâces, on lui fit comprendre, tout net, que la politique d’économie du nouveau gouvernement avait purement et simplement supprimé la retraite officieuse aux vieux bourreaux, jusqu’à leur mort.

— Eh bien ! répliqua Deibler, s’il en est ainsi, je resterai à mon poste jusqu’au bout, comme l’a fait mon père. »

 

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur Deibler, signalons l’excellente biographie de François Foucart,
Anatole Deibler, profession bourreau 1863-1939
, parue chez Plon en 1992, ainsi que
Le Métier de bourreau
de Jacques Delarue (Fayard, 1979) et
Le Carnet noir du bourreau
(éditions Gérard de Villiers, 1989).

31 juillet
1986

Colin Pitchfork viole et assassine Dawn Ashwood.

L
a première affaire criminelle au monde résolue par l’ADN se déroule à Narborough, un paisible village anglais proche de Leicester. Le 21 novembre 1983, une adolescente de 15 ans, Lynda Mann, est retrouvée étranglée et violée au bord d’un chemin. Les recherches s’orientent vers les pensionnaires de l’hôpital psychiatrique tout proche, mais, malgré l’ampleur des moyens policiers déployés, l’assassin reste insaisissable.

 

Trois ans plus tard, le 31 juillet 1986, une autre jeune fille du même âge, Dawn Ashwood, subit le même sort, quasiment au même endroit. Cette fois-ci, la police a une piste et un suspect qui a été vu sur les lieux : Richard Buckland, un cuisinier de 17 ans, connu pour ses nombreux problèmes sexuels. Après plusieurs témoignages incohérents, il avoue les deux crimes et la police croit enfin être au bout de ses peines.

Mais les enquêteurs décident d’obtenir confirmation des empreintes génétiques du suspect auprès du Dr Alec Jeffreys de l’université de Leicester, inventeur de cette méthode en 1984. Pour lui, aucun doute n’est possible (il y a une chance sur dix billions pour que deux codes soient totalement identiques), Richard Buckland n’est pas le violeur de Narborough. Cette conclusion est confirmée par l’analyse du laboratoire de médecine légale d’Aldermaston. Au bout de quatre mois d’investigations, c’est un retour à la case départ, mais Buckland est au moins innocenté.

Il semble probable que le violeur provienne des environs immédiats de Narborough ou du village voisin de Littlethorpe. La police lance une opération d’envergure : des analyses de sang de tous les habitants mâles du voisinage, sur la base du volontariat. Une tâche immense pour l’équipe médico-légale d’Aldermaston, près de cinq mille tests. Vu toutefois le coût élevé de la méthode d’analyse ADN – un peu plus de 150 euros par échantillon –, on décide de recourir à des moyens génétiques plus conventionnels (des rayons X) et plus longs (environ trois semaines). Mais le résultat est un fiasco ; bien que tous les jeunes mâles des environs aient accepté de donner un échantillon de leur sang, aucun ne correspond à celui du tueur-violeur.

 

Toutefois la police est sur une piste prometteuse. Un apprenti boulanger de 23 ans, qui a bu un coup de trop dans un pub de Leicester, raconte à la cantonade qu’il a aidé un de ses amis en donnant son sang aux enquêteurs à la place de celui de son copain, un habitant de Littlethorpe du nom de Colin Pitchfork. Un examen de son casier judiciaire révèle qu’il a été condamné à plusieurs reprises pour des délits sexuels mineurs. Une fois inculpé, l’ADN de Pitchfork révèle qu’il est le violeur. Mais Pitchfork a de toute façon avoué les deux crimes.

 

Le 22 janvier 1987, Colin Pitchfork est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité devant le tribunal de Leicester. L’affaire Pitchfork a fait l’objet d’un excellent ouvrage de Joseph Wambaugh (le « maître » de Michael Connelly),
La Voix du sang
, paru en 1989 aux Presses de la Cité.

1
.

À Rome, les licteurs étaient des officiers qui accompagnaient les magistrats pour exécuter les sentences – punition corporelle ou mise à mort. (NDE)

2
.

Retrouvez l’affaire du « Boucher de Cleveland » dans mon ouvrage
Qui a tué le Dahlia Noir ?
, paru aux éditions Ring en 2014.

3
.

Le Ventre de la bête,
de Jack Henry Abbott et Norman Mailer, a été réédité en 2014 aux éditions Ring.

4
.

Gerard John Schaefer,
Journal d’un tueur
, éditions Jacques Bertoin, 1992.

5
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Des ouvriers agricoles.

AOÛT
1
er
 août
1966

Installé au sommet d’une tour qui surplombe l’université du Texas, à Austin, l’étudiant Charles Whitman tue, en une heure et quarante-six minutes, seize personnes et en blesse quarante autres, avant d’être abattu par la police.

D
ans une note laissée à son domicile, auprès des cadavres de sa mère et de son épouse, Whitman déclare : « Je suis prêt à mourir. Après ma mort, je souhaite qu’on effectue une autopsie de mon corps pour voir si je souffrais de désordres mentaux. La vie ne vaut pas le coup d’être vécue. » Son souhait est exaucé : l’autopsie montre que Whitman possède une tumeur au cerveau dans la région de l’hypothalamus.

2 août
1957

Le serial killer californien Harvey Glatman, photographe amateur et pervers sadique qui se complaît dans le bondage, kidnappe Judy Dull, avant de la tuer.

U
n cas exemplaire de sadisme sexuel. Harvey Glatman est obsédé dès son plus jeune âge par les cordes et le bondage. À 10 ans, il se pend de nombreuses fois à des poutres du grenier pour des séances d’autoérotisme. Plusieurs fois interné dans des hôpitaux psychiatriques, il passe des annonces dans des
journaux de Los Angeles où il prétend être un photographe de magazines à la recherche de modèles. Il viole, ligote et étrangle trois jeunes femmes, en les photographiant sous tous les angles. Une quatrième victime potentielle, pourtant blessée à la jambe d’une balle tirée par Glatman, parvient à s’emparer de son arme et à faire arrêter le tueur. À l’image d’un Gary Gilmore ou d’un Westley Allan Dodd, Harvey Glatman demande à être exécuté. Son vœu est doublement exaucé, puisqu’il sera attaché au fauteuil de la chambre à gaz de la prison de San Quentin, le 18 août 1959.

3 août
1914

Pendaison de Henry Spencer, 34 ans, pour le meurtre d’une femme dans l’Illinois.

S
pencer escroque Allison Rexroat, une femme beaucoup plus âgée que lui, en lui faisant miroiter un mariage, et en la poussant à transférer ses fonds sur son propre compte en banque. Puis, lors d’un pique-nique, il lui fracasse le crâne à coups de marteau. Son exécution donne lieu à un « show » du condamné qui chante des psaumes et déclare notamment : « J’ai rejoint les enfants de Dieu. Le Mal était en moi. Il a maintenant disparu. C’est le plus beau jour de ma vie. »

4 août
1892

À Fall River, dans le Massachusetts, M. et M
me
 Borden sont tués à coups de hache.

L
eur fille Lizzie Borden est accusée du crime, puis acquittée. Elle terminera ses jours à Fall River en 1927, où elle est enterrée aux côtés de son père et de sa belle-mère. Cette affaire, mythique aux États-Unis, a fait l’objet d’innombrables poèmes, chansons folkloriques, romans et autres textes de fiction, ainsi que d’un excellent téléfilm de 1975,
The Legend of Lizzie Borden
de Paul Wendkos avec l’actrice vedette de
Ma sorcière
bien aimée
, Elizabeth Montgomery, et d’un autre film de télévision récent avec Christina Ricci,
Lizzie Borden Took an Ax
(2014). Le succès de ce dernier engendre une minisérie en huit épisodes,
The Lizzie Borden Chronicles
, toujours avec Christina Ricci, qui doit être diffusée courant 2015 aux États-Unis.

5 août
2002

Une femme de 83 ans, Yvette, vit le 5 août 2002 à Namur une scène digne du film
Orange mécanique
de Stanley Kubrick : un homme de 28 ans, Pascal F., déjà condamné à six ans de réclusion pour vols et coups et blessures, la vole, l’humilie, la bat, la torture et la viole.

C
e soir-là, vers 20 h 30, Yvette, qui vit seule depuis le décès de son époux en 1974, ouvre la porte à un jeune homme qui prétend vouloir se renseigner sur l’heure du prochain bus. La vieille dame n’a pas le temps de lui répondre qu’un autre individu pénètre dans sa maison et se jette sur elle, la couche face contre terre, lui bande les yeux et se met à la frapper sur tout le corps afin qu’elle leur indique où elle cache ses économies. Il lui arrache son alliance, vole celle de son mari et sa montre, et lui enlève sa prothèse dentaire qu’il cache dans un pot de fleurs. Puis il l’oblige à monter l’escalier à quatre pattes, les yeux toujours bandés. Une fois dans la salle de bains, Yvette est dénudée et le plus âgé des agresseurs – Pascal F. – la viole à plusieurs reprises et lui fait subir une fellation, en se vantant auprès de son complice de se faire « s… par une vieille ». Pour tenter de faire disparaître le sang et ses empreintes, il plonge la victime dans la baignoire remplie d’eau bouillante et s’amuse à lui enfoncer la tête sous l’eau. Yvette parvient malgré tout à réagir : elle réussira à prévenir sa voisine à l’aide en frappant sur le mur mitoyen.

 

Lors du procès en correctionnelle, le complice de Pascal F., mineur au moment des faits, reconnaît avoir été présent, mais ne pas avoir frappé ni violé la victime ; il décrit la soirée de façon
détaillée. Le violeur, lui, prétend avoir été ivre ce soir-là, et ne se souvenir de rien, mis à part le vol – les divers objets dérobés ont été retrouvés dans son jardin. Il affirme qu’il n’a pas violé Yvette. D’après les analyses génétiques, le sang qui macule les sous-vêtements de la vielle dame pourrait être celui de Pascal F. Son avocat estime que ce sang a été versé pendant le vol et plaide les circonstances atténuantes étant donné le climat de violence dans lequel son client a grandi ; ses parents auraient notamment tenté de le tuer à sa naissance. Le procureur requiert neuf ans de réclusion, soulignant la gravité des faits. La victime avait par ailleurs reconnu son agresseur, un jeune homme qu’un curé s’occupant du reclassement d’anciens détenus lui avait envoyé pour effectuer divers travaux de jardinage, quelques mois plus tôt.

Le 24 juin, Pascal F. a été condamné à huit ans de prison.

6 août
2012

Trois personnes sont lynchées au Congo, à cause d’un rite ancestral, le
londola
, qui permet de désigner les coupables d’un meurtre.

L
a tradition du
londola
consiste dans la République démocratique du Congo à promener un cercueil à travers un village pour guider une famille en deuil vers « l’assassin » de leur proche. À Kakanda, dans la province du Katanga, trois personnes désignées coupables par un « cercueil volant » ont ainsi été lynchées. Avant d’enterrer leur fils assassiné, des parents ont transporté son cercueil dans les rues de Kakanda, afin que celui-ci les guide jusqu’à ses meurtriers présumés. Le cortège s’est arrêté devant une première maison. Aussitôt, plusieurs personnes ont détruit le logis, avant d’y mettre le feu. Une femme, elle aussi désignée coupable par le cercueil, a été traînée hors de sa maison pour être lapidée avec des parpaings, un pneu, une chaise, et brûlée vive.

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