The Running Man (11 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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Il avança encore un peu, puis plia les genoux et étouffa un cri de surprise lorsque ses pieds s’enfoncèrent dans une eau qui lui parut glaciale après la chaleur du tuyau.

Le nouveau conduit était beaucoup plus large. Richards pouvait presque s’y tenir debout. L’eau épaisse et puante coulait paresseusement ; elle n’arrivait pas plus haut que ses chevilles. Il regarda dans le tuyau d’où il venait. Même d’ici, on distinguait une lueur orangée : l’incendie devait être gigantesque.

Il fit un rapide bilan de la situation et parvint à regret à la conclusion que les autres continueraient à agir comme s’il n’avait
pas
brûlé vif dans le sous-sol. Il était toutefois probable qu’ils ne découvriraient pas l’itinéraire qu’il avait suivi tant que l’incendie ne serait pas maîtrisé. Probable, mais pas certain. Après tout, ils avaient bien retrouvé sa trace à Boston.

Peut-être pas. Après tout, qu’as-tu réellement vu ?

Oh si ! c’étaient eux. Les Chasseurs. Leur aura maléfique ne trompait pas. Il l’avait nettement perçue, de la fenêtre du cinquième étage.

Un rat passa en nageant.

Richards le suivit, dans la direction où l’eau s’écoulait.

Compte à rebours...
067

Richards s’arrêta au pied de l’échelle, stupéfait de voir de la lumière. Aucun bruit de circulation, heureusement, mais il ne comprenait pas qu’il fît encore jour. Dans le noir, n’entendant que le clapotis de l’eau, il avait l’impression d’avoir marché pendant des heures et des heures.

Pourtant, un rai de lumière encore vive venait du couvercle de la bouche d’égout, à quatre ou cinq mètres au-dessus de lui, projetant un étroit rectangle de clarté sur son visage. En levant la tête, il aurait pu voir le ciel.

Il n’entendit passer aucun air-car. De temps à autre, un véhicule terrestre. Une fois, aussi, une dizaine de Honda passèrent en rugissant. Plus par chance que par quelque miraculeux sens de l’orientation, il se retrouvait probablement dans les quartiers populaires, parmi les siens.

Il était tout de même préférable d’attendre la nuit. Pour passer le temps, Richards sortit la caméra de la poche de sa veste, inséra une cassette et filma son torse en gros plan. Il savait que la caméra hyper-sensible réagissait à la moindre lumière, et voulait éviter de trahir le lieu où il se trouvait. Pas de gags, cette fois. Il était trop fatigué.

Richards rangea la cassette avec celle qu’il avait enregistrée au Y.M.C.A. Il était presque certain qu’ils retrouvaient sa trace grâce aux cassettes. Malgré toutes les assurances données par les pontes du Libertel. Il devait y avoir moyen d’éviter ça. Il fallait y réfléchir sérieusement.

Il s’assit sur le troisième barreau de l’échelle et attendit stoïquement. Il courait depuis près de trente heures.

Compte à rebours...
066

A demi caché par l’angle d’une maison, le gosse, un petit Noir de sept ans, observait les environs, une cigarette aux lèvres.

Dans la rue vide et immobile, il avait soudain vu un mouvement. Une ombre changeant de place. De nouveau ce mouvement. Le couvercle de la bouche d’égout ! Il le vit se soulever, puis retomber de côté avec un bruit sourd. Quelque chose brilla – des yeux ?

Quelqu’un (si c’était vraiment un être humain) sortait des égouts. Peut-être le diable, qui venait chercher Cassie. Sa maman disait que Cassie allait monter au ciel, avec Dicky et les autres anges. Mais le petit Noir n’en croyait pas un mot. Il savait qu’après la mort, on allait en enfer et que le diable vous piquait le derrière avec une grande fourche. Il avait vu une image du diable dans un livre que Bradley avait fauché à la bibliothèque municipale de Boston. Le ciel, c’était pour les types qui se droguaient au Push.

« Ça pourrait bien être le diable », se dit-il en voyant Richards sortir la tête et les épaules, puis rester un moment accoudé pour reprendre son souffle. Il n’avait pas de cornes, et n’était pas tout rouge comme dans le livre, mais il n’avait pas l’air rassurant.

L’être remit le couvercle en place et – mince alors ! ― se mit à courir dans sa direction.

Le gamin prit ses jambes à son cou et s’étala au bout de deux pas. Il se relevait le plus vite possible, perdant une partie du contenu de ses poches, lorsque le diable l’empoigna par le col de sa chemise.

— Pas avec la fourche ! cria le gamin d’une voix étranglée. Me piquez pas avec la fourche !

— Chut ! Veux-tu te taire !

Le diable le secoua vivement et le gamin se tut, claquant des dents. Le diable regarda autour de lui. Ses yeux agrandis par la peur lui donnaient une expression comique. Il lui rappelait les personnages si marrants de
Nagez avec les crocodiles
. S’il n’avait pas eu lui-même si peur, il aurait éclaté de rire.

— Vous z-êtes pas le diable, lui murmura-t-il.

— Peut-être pas. Mais si tu cries encore, tu verras que je peux devenir très méchant.

— Je crierai pas ! protesta le gamin avec mépris. Pour qui vous me prenez ? J’ai pas envie de me faire couper les couilles, moi ! Je suis même pas assez grand pour bander.

— Tu connais un endroit tranquille où on pourrait aller ?

— Mais me tuez pas, hein ? J’ai rien à voler, rien du tout.

Le gosse lui lança un regard effrayé.

— Je ne vais pas te tuer.

Le tenant par la main, le petit Noir l’entraîna dans un dédale de ruelles et d’allées jonchées de débris divers. Ils arrivèrent à une cabane en brique et en planches, adossée au soubassement d’un misérable immeuble locatif. Le seuil était si bas que Richards se cogna le front en entrant. Le gamin tendit aussitôt un bout de tissu noir devant l’ouverture. Un moment plus tard, une lumière jaunâtre perça l’obscurité. Le gosse avait branché une petite ampoule électrique sur un vieil accumulateur tout craquelé.

— C’est moi qui l’ai fabriqué, annonça le gamin avec fierté. Bradley m’a montré comment le réparer. Il a des livres. Et je vous conseille pas de me tuer. Bradley est avec les Eventreurs. Si vous me tuez, il vous fera chier dans vos godasses et vous forcera à le manger.

— Je ne tue personne, dit Richards. En tout cas, pas les petits garçons.

— Je suis pas un petit garçon ! J’ai réparé la batterie tout seul !

Devant l’expression outrée du gamin, Richards ne put s’empêcher de sourire.

— D’accord, d’accord. Comment t’appelles-tu ?

— Stacey.

— Bien, Stacey. Ecoute-moi. Je suis en cavale. Tu me crois ?

— Y a des chances. Vous êtes pas sorti des égouts pour acheter des cartes postales cochon, pour sûr ! (Il regarda Richards d’un air songeur.) Vous seriez pas un Mex, par hasard ? Difficile à dire, avec toute cette crasse...

— Stacey, je... (Il s’interrompit. Lorsqu’il reprit la parole, il semblait se parler à lui-même :) Il faut bien que je fasse confiance à quelqu’un, et voilà que je tombe sur un môme. Un
môme
. Tu ne dois même pas avoir six ans, pas vrai ?

Le petit Noir se rebiffa aussitôt.

— Je vais avoir huit ans en mai ! (Il ajouta :) Ma sœur Cassie a le cancer. Elle crie beaucoup. C’est pour ça que j’aime mieux venir ici. Vous voulez un joint, m’sieur ?

— Non. Et tu ne devrais pas en fumer non plus. Tu veux gagner deux dollars, Stacey ?

— Et comment ! (Son regard se fit méfiant.) Vous vous moquez de moi ! On sort pas des égouts avec des dollars plein les poches !

Richards sortit un billet d’un nouveau dollar et le lui donna. Le gosse le regarda avec une stupéfaction mêlée d’épouvante.

— Tu en auras un autre si tu vas chercher ton frère. Je te le donnerai en cachette pour qu’il ne le voie pas. N’amène personne d’autre. Rien que Bradley.

— Mais essayez pas de le tuer, hein ! Il vous fera chier...

— Dans mes godasses, je sais. Cours vite le chercher. Attends qu’il soit seul.

— Trois dollars.

— Non.

— Il m’en faut trois, insista-t-il. Pour trois dollars, je peux acheter au drug un médicament pour Cassie. Avec ça, elle crie moins.

Le visage de l’homme fit soudain un drôle de mouvement, comme si quelqu’un que Stacey ne pouvait pas voir lui avait flanqué un coup de poing au menton.

— D’accord, trois dollars.

— 
Nouveaux
dollars, insista le gamin.

— Oui, nom d’un chien,
oui
 ! Mais si tu amènes les flics, tu n’auras rien du tout.

Le gosse, qui était déjà à moitié dehors, se retourna.

— Si vous croyez ça, vous êtes bien con. Je peux pas les voir, ces sales poulets. Ils me font encore plus peur que le diable.

Le rideau retomba sur ce gosse de sept ans qui tenait la vie de Richards entre ses mains crasseuses et abîmées. Mais Richards était trop fatigué pour avoir réellement peur. Il éteignit la lampe, s’adossa au mur du fond, et se mit à somnoler.

Compte à rebours...
065

Il faisait un rêve confus, dans un lieu sans lumière rempli de bruits sinistres. Le rêve se transforma soudain en cauchemar lorsqu’un énorme chien policier, véritable bombe organique, se jeta vivement sur lui. La peur le réveilla ; il revint complètement à la réalité en entendant la voix de Stacey :

— S’il a cassé ma lampe, je vais...

Un « chut » impérieux le fit taire. Au moment même où le rideau se soulevait, Richards ralluma la lampe. Stacey et un autre Noir lui faisaient face. Le nouveau venu pouvait avoir dans les dix-huit ans. Il portait un blouson de motard. Il regardait Richards avec un mélange de haine et d’intérêt.

Un couteau à cran d’arrêt apparut dans sa main.

— Si vous avez une arme, lâchez-la.

— Je ne suis pas armé.

— Je te crois pas. Tu vas... (Il s’interrompit soudain, en ouvrant de gros yeux.) Merde alors ! Vous êtes le gars qu’on a vu au Libertel ! C’est vous qui avez fait sauter le Y.M.C.A. de Huntington Avenue... Ils ont dit que vous aviez fait cramer cinq flics. Ça veut dire qu’y en avait au moins quinze.

— Je l’ai vu sortir de la bouche d’égout, intervint Stacey, faisant l’important. J’ai tout de suite vu que c’était pas le diable. Il a dit qu’il était en cavale. Tu vas le suriner, Brad ?

— Tais-toi et laisse les hommes causer.

Bradley entra complètement et s’assit face à Richards sur un cageot retourné. En baissant les yeux, il s’aperçut qu’il tenait toujours le couteau à la main, et parut surpris de le voir. Il le referma et l’empocha, puis regarda longuement Richards.

— Ben mon gars, dit-il enfin, on peut dire que t’es l’homme le plus recherché de la planète.

— Pas de doute, approuva Richards.

— Qu’est-ce que tu comptes faire ?

— Aucune idée. Mais il faut que je sorte de Boston.

Bradley réfléchit un moment en silence.

— Viens à la maison avec Stacey. On pourra causer mieux qu’ici. Trop public.

— D’accord, dit Richards, trop las pour se soucier des conséquences.

— On va y aller par-derrière. Les flics sont de sortie ce soir. Maintenant, je sais pourquoi. Suivez-moi, tous les deux.

Dès que Bradley fut sorti, Stacey envoya un bon coup de pied à Richards. Il le regarda sans comprendre, puis se souvint. Il glissa trois nouveaux dollars au gamin, qui les fit aussitôt disparaître dans ses vêtements.

Compte à rebours...
064

La femme paraissait incroyablement vieille. Elle portait une robe de chambre en cotonnade à fleurs ; par une large déchirure sous le bras, l’on voyait un sein pendant et flétri se balancer tandis qu’elle préparait le repas acheté avec les nouveaux dollars de Richards. Ses doigts tachés de nicotine ne cessaient d’éplucher, d’émincer, de couper en dés. Ses pieds tout aplatis par une vie de station debout, flottaient dans de vastes pantoufles en nylon rose vif. Ses cheveux crépus formaient une pyramide branlante, enserrée d’un filet qui lui retombait sur la nuque. Son visage plus gris que noir était parcouru d’un fantastique réseau de rides et de ridules. Sa bouche édentée tirait sans relâche sur une cigarette et rejetait de petits nuages de fumée bleutée, dont l’odeur âcre se mêlait à des relents de chou bouilli.

Dans la chambre du fond, Cassie toussait et criait, puis restait quelques moments silencieuse. Avec un mélange de colère et de honte, Bradley avait dit à Richards de ne pas faire attention à elle. Ses deux poumons étaient atteints par le cancer, qui gagnait maintenant sa gorge et ses organes abdominaux. Elle avait cinq ans.

Stacey était ressorti.

Pendant qu’il discutait avec Bradley, un parfum intolérablement délicieux de viande, de légumes et de tomates mijotant ensemble chassa peu à peu l’odeur de chou – et fit prendre conscience à Bradley qu’il mourait de faim.

— Je pourrais te dénoncer, mon gars. Je pourrais te tuer et te piquer ce tas de fric. Puis leur remettre le corps : ça ferait mille dollars de plus. Et à moi la belle vie !

— Je ne crois pas que tu me dénonceras, dit Richards. Je sais que moi j’en serais incapable.

— Pourquoi t’as fait ça, de toute façon ? demanda Bradley belliqueusement. Pourquoi tu t’es mis entre leurs pattes ? Pour le fric ?

— Moi aussi, j’ai une petite fille, répondit Richards. Cathy. Elle est plus jeune que Cassie. Elle a une pneumonie. Elle pleure tout le temps, elle aussi. (Bradley ne fit aucun commentaire.) Et elle pourrait guérir. Pas comme... la petite Cassie, là-bas. La pneumonie, c’est grave, mais ça se soigne. A condition de pouvoir payer un docteur et des médicaments. Et c’était le seul moyen de trouver l’argent.

— C’est tout de même toi qui te fais avoir dans l’histoire. Tous les soirs à 6 h 30, la moitié de l’univers t’encule. Quant à ta fille, elle serait mieux à la place de Cassie, dans un monde pareil.

— Je ne crois pas, dit Richards.

— En tout cas, t’es encore plus cinglé que moi. Un jour, j’ai dérouillé un richard ; après ça, il était bon pour l’hosto. Les flics m’ont poursuivi pendant des jours. Mais t’es encore plus cinglé que moi. (Il alluma une cigarette.) Qui sait, tu tiendras peut-être le mois entier. Un milliard de dollars, tu te rends compte ! Pour transporter ça, il te faudra un foutu train de marchandises !

— Ne dis pas de gros mots, dit la vieille femme en continuant à émincer des carottes.

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