The Running Man (15 page)

Read The Running Man Online

Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
3.22Mb size Format: txt, pdf, ePub

La seconde partie du programme fut radicalement différente. Cette fois, Thompson arborait un large sourire.

— Après ces derniers enregistrements envoyés par le monstre qui se fait appeler Ben Richards, je suis heureux de vous annoncer une bonne nouvelle...

Ils avaient eu Laughlin.

Vendredi, il avait été aperçu à Topeka, mais les recherches intensives entreprises les deux jours suivants n’avaient rien donné. Richards pensait que Laughlin avait, comme lui-même, réussi à passer à travers les mailles du filet. Hélas, non. Cet après-midi, deux enfants avaient signalé sa présence. Il se cachait dans un vieil abri des Ponts et Chaussées. Au cours de sa fuite, il s’était cassé le poignet.

Les gosses, Bobby et Mary Cowles, souriaient à la caméra, tout contents d’eux. Demain, annonça Thompson, Sonnonneur le gouverneur du Kansas leur remettrait, en direct sur l’antenne, leurs Certificats de Mérite et deux chèques de mille nouveaux dollars, sans oublier la fourniture à vie de céréales pour petit déjeuner
Fun Twinks
. Hourra pour ces citoyens d’honneur de Topeka ! La foule applaudit.

La séquence suivante montrait le cadavre de Laughlin, criblé de balles et baignant dans son sang, que des policiers sortaient d’une cabane à moitié détruite par les tirs. Le public hua le cadavre, puis applaudit les policiers.

Richards se détourna, pris de nausée.

La voix du commentateur semblait venir de très loin. Le corps de Laughlin était exposé devant le parlement du Kansas ; des milliers de citadins faisaient la queue pour le voir. Un policier qui avait participé à la mise à mort expliqua que Laughlin n’avait presque pas offert de résistance.

Richards se souvint de la voix aigre de Laughlin, de son regard railleur.

Une copine de mon club...

Maintenant, il n’y avait plus qu’une seule vedette : Ben Richards. Ben Richards ne termina pas son suprême de volaille.

Compte à rebours...
054

Cette nuit-là, il fit un affreux cauchemar, ce qui était inhabituel. Le vieux Richards ne rêvait jamais.

Fait encore plus curieux, il ne participait pas au rêve, se cantonnant dans le rôle du spectateur invisible.

Une pièce sombre, aux contours imprécis. Quelque part, un bruit d’eau qui goutte. L’impression d’être à une grande profondeur sous le sol.

Au centre de la pièce, Bradley était attaché à une chaise par des sangles de cuir. Son crâne avait été entièrement rasé, comme celui d’un pénitent. Il était entouré de personnages portant des cagoules noires. « Les Chasseurs », se dit Richards avec épouvante. Les plus redoutables et les plus impitoyables de tous.

— Ce n’est pas moi, disait Bradley.

— Oh si, dit un des personnages avec douceur, en lui enfonçant une longue aiguille dans la joue.

Bradley hurla.

— C’est toi, petit frère ?

— Allez vous faire foutre !

L’aiguille perça sans mal son œil. Une gelée incolore coula ; l’œil de Bradley devint tout flasque.

— Alors, c’est toi ?

— Vous pouvez vous foutre votre aiguille dans le cul !

Un aiguillon électrique toucha le cou de Bradley, qui hurla de nouveau en faisant une grimace grotesque.

— C’est toi, petit frère ?

— Les filtres nasaux donnent le cancer, répondit Bradley. Vous êtes tout pourris à l’intérieur.

L’aiguille perça l’autre œil.

— C’est toi ?

Aveugle, Bradley leur rit au visage.

Un des personnages en cagoule fit un geste. Bobby et Mary Cowles accoururent gaiement. Ils se mirent à tourner autour de Bradley en chantant :

— Qui a peur du gros méchant loup, gros méchant loup, gros méchant loup... ?

Bradley s’agitait désespérément sur son siège, tandis que le chant devenait de plus en plus aigu et crissant. Les enfants changeaient. Peu à peu, leurs têtes s’allongèrent et s’engorgèrent de sang. Ils ouvrirent des bouches énormes, révélant des crocs aiguisés comme des rasoirs.

— Je dirai tout ! hurla Bradley. Ce n’est pas moi ! Je vous dirai tout ! Ce n’est pas moi, c’est Ben Richards ! Ô mon Dieu... ô mon Dieu...

— Où est-il ? Parle.

— Je vais vous le dire ! Je vais vous le dire ! Il est à...

Les voix des enfants couvrirent ses paroles. Bobby et Mary se précipitaient sur son cou tendu par l’effort, lorsque Richards se réveilla, couvert de sueur.

Compte à rebours...
053

Manchester, ce n’était plus bon.

Il se demandait si c’était la nouvelle de la fin brutale de Laughlin ou son cauchemar, ou bien une sorte de prémonition.

Mardi matin, il ne sortit pas pour aller à la bibliothèque. Il avait l’impression que chaque minute passée dans ce lieu invitait une issue fatale. En regardant par la fenêtre, il voyait des cagoules noires dans toutes les voitures, dans tous les taxis. Il croyait entendre des Chasseurs armés jusqu’aux dents arriver à pas de loup dans le couloir. Une énorme pendule égrenait les secondes dans sa tête.

Peu après 11 heures, sa décision était prise. Pas question de rester ici. Il était sûr qu’ils l’avaient retrouvé.

Il prit sa canne et descendit maladroitement dans le hall.

— Vous sortez, père Grassner ? demanda le réceptionniste avec son sourire légèrement méprisant.

— Pas de réunion aujourd’hui, dit Richards, en fixant l’épaule du réceptionniste. Y a-t-il un cinéma, dans cette ville ?

Il savait qu’il y en avait au moins dix, dont huit passaient des films pervertos.

— Voyons... dit l’employé, réfléchissant. Au
Central
, il y a un programme Disney.

— Ce sera parfait, dit Richards. Parfait.

En gagnant la sortie, il heurta un palmier en pot.

A quelques rues de l’hôtel, il entra dans un drugstore. Il acheta un gros rouleau de gaze et une paire de béquilles en aluminium bon marché, que le vendeur mit dans une longue boîte en fibre. Richards prit un taxi au coin de la rue.

La voiture était exactement au même endroit. Richards ne put détecter aucune surveillance suspecte. Il monta et démarra. Il eut un instant de panique en se souvenant qu’il n’avait aucun permis de conduire utilisable, puis se dit que c’était sans importance. Son nouveau déguisement ne résisterait pas à un examen un peu approfondi. S’il tombait sur un barrage, il essaierait de le forcer. Il se ferait sans doute tuer, mais s’il était identifié, ils le tueraient de toute façon.

Il mit les lunettes d’Ogden Grassner dans la boîte à gants et sortit du parking.

Dans la banlieue nord, il s’arrêta à une station-service pour faire le plein d’air comprimé. Le pompiste, un gosse couvert d’acné géante, évita soigneusement de le regarder. Parfait.

Il suivit un moment la 91, prit la 17, puis s’engagea sur une petite départementale. Cinq kilomètres plus loin, il s’arrêta près d’un bosquet poussiéreux. Se regardant dans le rétroviseur, il enroula la bande autour de sa tête, en serrant le plus possible. Voilà, ca devrait tenir. Un oiseau piaillait sans relâche dans un orme qui paraissait en fort mauvais état.

Pas trop mal. S’il avait un moment à Portland, il s’achèterait une minerve.

Il posa les béquilles à côté de lui et repartit. Quarante minutes plus tard, il arrivait au périphérique de Portsmouth. Tout en guettant la sortie « Portland », il prit dans sa poche le bout de papier que Bradley lui avait laissé, et le déplia. Les caractères étaient soigneusement tracés au crayon, comme le font les autodidactes :

94 State Street, Portland

LA PORTE BLEUE, Chambres d’Hôtes

Elton & Virginia Parrakis

Richards releva les yeux. Un air-car jaune et noir de la police croisait lentement au-dessus de l’autoroute, en tandem avec un véhicule routier blindé. Ils s’attardèrent un moment à sa hauteur, puis s’éloignèrent, zigzaguant avec grâce entre les six files de voitures. Une patrouille de routine.

Pendant que les kilomètres défilaient, il ressentait un soulagement croissant, mêlé d’un indéfinissable regret. Il avait envie de rire et de vomir à la fois.

Compte à rebours...
052

Il atteignit Portland sans incident.

Aux abords de la ville, alors qu’il traversait la banlieue chic de Scarborough (villas opulentes, rues immaculées, écoles privées entourées de clôtures électrifiées), son assurance commença à l’abandonner. Ils pouvaient être n’importe où. Partout. Ou nulle part.

State Street se trouvait dans un quartier jadis respectable, aux immeubles solides mais décrépis, près d’un parc qui était devenu une vraie jungle ― rendez-vous, sans nul doute, des amoureux, des drogués et des mauvais garçons. Un quartier où l’on ne devait sortir la nuit qu’avec un chien policier en laisse, ou bien en bande.

Le 94 était une maison à la façade noircie, avec des volets à l’ancienne mode aux fenêtres. Il se gara à proximité et examina les environs.

La rue était pleine de voitures abandonnées, carcasses rouillées vidées de leur contenu comme des poissons étripés. En bordure du parc, une Studebacker reposait sur le côté, pareille à un chien crevé. La police évitait manifestement les parages. Pas question de laisser sa voiture ici. Dix minutes après, on verrait arriver une bande de petits morveux. Après avoir tourné autour pendant un moment, ils s’adosseraient à la carrosserie, en sifflotant d’un air dégagé. Encore dix minutes de plus, et deux ou trois d’entre eux sortiraient de leurs poches des tournevis, des pieds-de-biche et une ou deux clefs à écrous. Au bout d’une heure, il ne resterait que la carcasse ; tout le reste serait envolé, des sphères pneumatiques aux essuie-glace et au volant.

Alors qu’il prenait ses béquilles en se retenant au toit de la Wint, un gosse arriva en courant. Tout un côté de son visage était défiguré par d’horribles cicatrices de brûlures.

— Du Scag, m’sieur ? C’est de la super came. Vous enverra sur la lune !

Il pouffa de rire, faisant tressauter de façon grotesque les bourrelets de chair luisants de sa joue abîmée.

— Fous le camp, lui dit Richards sèchement.

Le gosse essaya de faire tomber une de ses béquilles. Oubliant un instant son rôle, Richards leva prestement l’autre et lui assena un bon coup sur les fesses. Le gosse s’enfuit en criant des obscénités.

Il monta lentement les trois marches du perron et examina la porte. En y regardant de près, il restait effectivement quelques traces de peinture bleue. Il y avait eu une sonnette, mais un vandale l’avait arrachée. On voyait encore les fils.

Richards frappa et attendit. Rien. Il frappa de nouveau.

L’après-midi tirait à sa fin. Un vent froid s’engouffrait dans la rue. Dans le parc, les branches dénudées d’octobre s’entrechoquaient avec un bruit nostalgique.

Il n’y avait personne. Inutile de s’attarder. Il frappa pourtant une dernière fois, inexplicablement certain qu’il y
avait
quelqu’un.

Cette fois, il fut récompensé par un bruit de chaussons traînant sur le carrelage. Les pas s’arrêtèrent. Une pause.

— Qui est là ? demanda une voix androgyne. Je n’achète rien. Allez-vous-en.

— On m’a dit de venir chez vous.

Un judas s’ouvrit en grinçant et un œil marron apparut. Le judas se referma avec un bruit sec.

— Je ne vous connais pas.

Le ton était sans réplique.

— On m’a dit de demander Elton Parrakis, insista Richards.

— Ah. (Il crut détecter du regret dans la voix.) Vous êtes un de ceux-là...

Il entendit un bruit de chaînes. Plusieurs verrous furent poussés successivement. Des clefs tournèrent dans des serrures Yale bien huilées. Finalement, le bruit sec, pareil à une détonation, d’un assommoir que l’on désamorce.

La porte s’ouvrit. Richards se trouva face à une femme maigre et sèche, sans poitrine, avec d’énormes mains noueuses. Son visage, curieusement dénué de rides, portait néanmoins les traces d’un long combat contre le temps. Le temps gagnait, sans doute, mais elle était coriace. Même en pantoufles, elle devait faire un mètre quatre-vingts. Ses genoux étaient tout déformés par l’arthrite. Ses cheveux étaient enveloppés d’une serviette de bain enroulée en turban. Sous les épais sourcils, qui semblaient s’accrocher désespérément au fond d’un précipice, le regard des yeux marron était intelligent, avec une pointe de fureur ou peut-être de peur. Par la suite, il comprit qu’elle était simplement embrouillée, craintive, peut-être au bord de la folie.

— Je suis Virginia Parrakis. La mère d’Elton. Entrez.

Compte à rebours...
051

La maison était sombre, mal entretenue, meublée de bric et de broc. Richards reconnut instantanément son propre environnement. Les mêmes objets fabriqués en série et achetés au rabais, vite cassés et jamais réparés.

Dans la cuisine, tout en surveillant la bouilloire en aluminium, elle lui dit :

— Elton n’est pas là.
Il
travaille.

En mettant l’accent sur le « il » elle faisait de cette simple constatation une accusation.

Ici, la lumière plus vive révélait le papier peint taché d’humidité, les mouches de l’été dernier écrasées sur les vitres, le linoléum craquelé, le seau en plastique sous l’évier. Une odeur de désinfectant régnait, comme dans une chambre de malade.

Les doigts boursouflés fouillèrent dans un tiroir débordant d’objets divers et en tirèrent deux sachets de thé, dont un avait déjà servi. Richards eut droit à ce dernier. Cela ne le surprit pas.

— Vous venez de la part de ce type de Boston ? Celui qui s’occupe de pollution ?

— Oui, madame Parrakis.

— Ils se sont rencontrés à Boston. Elton est responsable de l’entretien de distributeurs automatiques.

Prenant un air avantageux, elle franchit précautionneusement les dunes de linoléum qui la séparaient de la gazinière.

— J’ai dit à Eltie que les activités de Bradley étaient illégales. Que ça pourrait les mener en prison, ou pire. Mais il n’écoute pas sa vieille maman. Non, non. (Elle eut un sourire affligé.) Elton est très habile de ses mains, vous savez. Il avait construit une grande cabane dans un arbre. Un orme, c’était, mais ils l’ont abattu. Ce Noir a eu l’idée de fabriquer des indicateurs de pollution. Il lui a dit d’en mettre un à Portland.

Elle mit les sachets dans les tasses et resta près de la gazinière, se chauffant les mains au-dessus de la flamme.

— Ils s’écrivent tout le temps. Je lui ai dit que le courrier n’était pas sûr. Je lui ai dit que ça allait le mener en prison. Ou pire. Il m’a répondu qu’ils écrivaient en code ! Il me demande des pommes. Je lui dis que mon oncle va plus mal. Je lui dis, Eltie, tu t’imagines qu’ils ne sont pas capables de le déchiffrer ? Cesse de jouer à l’espion. Il ne m’écoute pas. Dans le temps, si, il m’écoutait. Il avait confiance, on était amis. Depuis la puberté (elle prononçait : pouberté), il a complètement changé. Il cache des magazines cochons sous son oreiller, et tout
ça
. Et puis il s’est acoquiné avec ce nègre. Je suppose que vous vous êtes fait prendre à tester la pollution ou des cancérigènes, et que vous êtes en fuite ?

— Je...

— Peu importe, d’ailleurs !

Se redressant avec morgue, elle regarda par la fenêtre. Celle-ci donnait sur une cour encombrée de bouts de ferraille rouillée, dans un coin, un bac de sable (celui d’Elton peut-être, bien des années auparavant) était empli de feuilles mortes.

— Peu importe ! répéta-t-elle avec férocité. C’est la faute des Noirs. (Elle lança à Richards un regard lourd de reproche, comme si elle le mettait au défi de la contredire.) J’ai soixante-cinq ans, monsieur, mais j’étais une fraîche jeune fille de dix-neuf ans quand tout ça a commencé. En 1979, c’était. Les Noirs sont arrivés. Et maintenant, ils sont partout. Partout ! (Son ton était devenu haineux.) Parfaitement ! Ils les ont mis à l’école avec les Blancs. Ils leur ont donné des postes au gouvernement. Des radicaux, des rebelles ! Je ne serais...

Elle s’interrompit brusquement, regardant Richards comme si elle le voyait pour la première fois, et porta la main à sa bouche pour étouffer un cri.

— Dieu ait pitié de nous... !

— Madame Parrakis...

— Non ! Non ! cria-t-elle d’une voix étranglée par la peur. Oh non ! non, non, NON !

Elle s’avança lentement sur lui, saisissant au passage un long couteau de boucher dans l’évier débordant de vaisselle sale.

— Sortez de chez moi ! Dehors ! Allez, dehors !

Richards se leva et recula pas à pas, traversant d’abord le bout du couloir menant au living, puis le living lui-même.

Il remarqua, fixé au mur, un vieux téléphone à pièces portant l’inscription
La Porte bleue, chambres d’hôtes
. Cela datait du temps où la maison était une respectable pension. Combien d’années y avait-il de cela ? Vingt ? Quarante ? Avant que les Noirs n’envahissent le quartier ?

Toujours à reculons, il était presque arrivé à la porte lorsqu’une clef tourna dans la serrure. Tous deux s’immobilisèrent comme si une main céleste avait interrompu le déroulement du film en attendant de lui trouver un épilogue approprié.

La porte s’ouvrit, livrant passage à Elton Parrakis. Elton était incroyablement gras. Ses cheveux blonds et ternes, faisant des crans ridicules, encadraient un visage poupin à l’expression perpétuellement étonnée. Il portait l’uniforme bleu et or de la Cie Vendo-Spendo.

Elton regarda Mme Parrakis en hochant la tête.

— Pose ce couteau, maman.

— Non ! s’écria-t-elle, mais ses traits exprimaient déjà la certitude de la défaite.

Elton referma la porte et alla lentement vers elle, d’un pas curieusement saccadé.

Elle se recula légèrement.

— Eltie, dis-lui de s’en aller, supplia-t-elle. C’est ce bandit de Richards. S’il reste, nous sommes perdus.
Je ne veux pas que tu ailles en prison...

Elle éclata en sanglots, laissa tomber le couteau et s’écroula dans les bras de son fils.

Tout en la berçant doucement, il essaya de la rassurer :

— Mais non, maman, je n’irai pas en prison. Allons, ne pleure pas. S’il te plaît, ne pleure pas.

Par-dessus les épaules frémissantes de sa mère, Elton adressa un sourire désolé à Richards, qui attendait stoïquement que cela se termine.

Lorsqu’elle se fut un peu calmée, Elton lui dit :

— Ecoute-moi, maman. M. Richards est un ami de Bradley Throckmorton. Il va rester quelques jours chez nous.

Mme Parrakis se remit à gémir de plus belle. Elton dut la secouer pour qu’elle se taise.

— Si, maman. Il va rester chez nous. J’irai mettre sa voiture dans le parc, après l’avoir préparée. Demain matin, il faudra que tu ailles poster un paquet pour Cleveland.

— Boston, dit Richards automatiquement. Les cassettes vont à Boston.

— Non, elles vont à Cleveland, maintenant. Bradley a dû s’enfuir de Boston.

— Mon Dieu !

— Toi aussi, tu vas être obligé de t’enfuir ! glapit Mme Parrakis. Ils auront vite fait de t’attraper : tu es si gras !

— Du calme, maman. Je vais accompagner monsieur Richards à sa chambre.

— Monsieur, monsieur ! Comme si cet assassin méritait qu’on l’appelle « monsieur » !

Il conduisit sa mère à un fauteuil et la fit asseoir avec la plus grande douceur, puis précéda Richards dans les escaliers à peine éclairés, en soufflant à chaque marche.

— Il y a beaucoup de chambres, expliqua-t-il. C’était une pension, dans le temps. Quand j’étais bébé. Vous pourrez surveiller la rue.

— Votre maman a sans doute raison, dit Richards. Puisque Bradley a été repéré, je ferais mieux de ne pas rester ici.

— Voilà votre chambre, dit Elton comme s’il n’avait pas entendu.

Il ouvrit une porte. La pièce, assez spacieuse, sentait le renfermé. Des meubles et des rideaux vieillots.

— Ce n’est pas le grand luxe... (Il sourit à Richards, manifestement désireux de faire bonne impression.) Mais vous pouvez rester aussi longtemps que vous voulez. Bradley Throckmorton est mon meilleur ami. (Son sourire se fit hésitant.) C’est le
seul
ami que j’aie jamais eu. Je m’occuperai de maman, n’ayez crainte.

— Je ferais mieux de m’en aller, répéta Richards.

— Je ne vous le conseille pas, monsieur Richards. Votre pansement n’a même pas trompé maman. Je vais aller mettre votre voiture en sécurité. Nous reparlerons de tout ça ensuite.

Il sortit rapidement, faisant tressauter ses grosses fesses. Richards remarqua que le tissu de son pantalon était élimé.

Richards entrouvrit d’un doigt les vieux volets en bois et le vit se diriger d’un pas lourd vers la voiture. Elton se baissa vers la portière, mais se redressa aussitôt et revint vers la maison. Richards sentit l’inquiétude le gagner. Une minute plus tard, Elton entrait dans la chambre, tout essoufflé mais souriant.

— Maman a raison, annonça-t-il. Je ne ferais pas un bon agent secret. J’ai oublié les clefs.

Richards les lui tendit en disant :

— Merci, Elton.

Elton repartit, traînant ses cent kilos et le souvenir de toutes les humiliations qu’il avait subies depuis qu’il était petit.

— Merci, répéta doucement Richards.

Il arriva à la fenêtre juste à temps pour voir démarrer la petite voiture dans laquelle il était venu à New Hampshire.

Il retira le couvre-lit et s’allongea, les yeux fixés au plafond, évitant de respirer à fond. L’odeur de moisi qui montait de la literie semblait s’insinuer dans tout son corps.

Other books

09 Lion Adventure by Willard Price
Betrayal by Gillian Shields
Client Privilege by William G. Tapply
Warning! Do Not Read This Story! by Robert T. Jeschonek
Seduction by the Book by Linda Conrad
Murder and Mayhem by Hamilton, B L
Fragile Hearts by Colleen Clay
Lust Quest by Ray Gordon
Al Capone Does My Homework by Gennifer Choldenko