Sex Beast (6 page)

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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

BOOK: Sex Beast
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Dans les premiers jours de septembre 1969, Leigh fait part à son mari d’une proposition d’emploi de Gerard Schaefer. Un salaire de 20 000 dollars pour rejoindre la CIA. Le 8 septembre, son mari trouve une lettre de Leigh qui lui indique qu’elle est partie pour Miami. Sa voiture est retrouvée quelques jours plus tard sur un parking de Fort Lauderdale. Interrogé à ce sujet, Gerard Schaefer déclare que Leigh lui a passé un coup de fil pour qu’il l’emmène à l’aéroport, car elle souhaitait quitter son mari et se rendre à Cincinnati. Schaefer accepte de l’accompagner, mais sans plus jamais avoir de nouvelles de Leigh après cet échange téléphonique.

Interrogée par les enquêteurs, Mme Hainline explique qu’elle n’a jamais fait confiance à Schaefer, qui venait tout le temps chez eux sans prévenir. Un incident l’avait marquée, un jour où Gerard et Gary, le frère de Leigh, étaient partis pour aller pêcher en mer. Tout d’un coup,
sans raison apparente, Schaefer avait jeté les rames et les deux adolescents avaient été obligés de se laisser porter par la marée pour regagner la rive. Pour elle, il était toujours trop obséquieux et elle le retrouvait en permanence dans les chambres à coucher de leur maison. Prompt à se mettre en colère, il ne semblait s’intéresser qu’au golf, à la chasse et à la pêche. Une semaine avant de s’évaporer dans la nature, Leigh avait adressé un télégramme à Gerard Schaefer dont on ne connaît pas la teneur.

Neuf ans plus tard, cette mystérieuse disparition connaît un rebondissement imprévu avec un indice matériel découvert à quelques mètres du domicile familial des Hainline… Le 11 mai 1978, les autorités identifient un crâne découvert au mois d’avril par des ouvriers qui travaillent sur un canal près d’Amberwood, à Boca Del Mar. Celui-ci est percé par plusieurs impacts de balles et il appartient à la jeune serveuse Leigh Hainline Bonadies.

Lorsqu’il est incarcéré pour un double meurtre, l’ex-shérif insinue à plusieurs reprises qu’il pourrait être à l’origine de la disparition de Leigh Hainline.

1
. Harry Crews a été essentiellement traduit en France par la Série Noire.

Chapitre IV

« PAS DE CORPS, PAS DE CRIME »

Des jeunes femmes – et même deux fillettes – disparaissent dès 1966 alors que Gerard John Schaefer n’a encore que 20 ans. En 1973, lors du procès de l’ex-shérif, le procureur Robert Stone évoque le chiffre de trente-quatre victimes. Pour plusieurs célèbres profilers historiques de l’Académie nationale du FBI à Quantico, tels que John Douglas, Robert Ressler ou Roy Hazelwood, ce nombre peut être aisément multiplié par deux. Selon certaines allusions du tueur en série lui-même, il aurait assassiné plus de quatre-vingts personnes.

Ce qui caractérise les assassinats de Gerard John Schaefer, c’est qu’il a souvent kidnappé deux jeunes filles en même temps. Dans un courrier daté d’avril 1992, qui m’est adressé, il écrit : « Se payer une doublette est bien plus difficile, mais, d’un autre côté, le tueur aura deux fois plus l’occasion de s’amuser. Il peut y avoir des discussions sympas pour savoir laquelle des victimes passera en premier. Lorsque vous avez à votre merci une paire de “bimbolinas”, mains et pieds liés, prêtes à une séance d’écorchage à l’arme blanche, aucune de ces petites
diablesses n’a envie d’être la première. Et leurs langues se délient à la vitesse de l’éclair pour vous indiquer que c’est leur meilleure amie qui doit mourir en premier. »

Nancy Leichner, 21 ans, est une blonde aux yeux verts qui pèse à peine 52 kilos lorsqu’elle disparaît lors d’un pique-nique avec son amie le 2 octobre 1966, à Alexander Springs, dans la forêt nationale d’Ocala, en Floride. Elle habite à Clearwater chez ses parents et travaille pour Honeywell, tout en espérant devenir hôtesse de l’air. Bien que mariée quelques années plus tard, sa sœur Susan a gardé son nom de jeune fille dans l’espoir qu’un jour sa sœur vienne sonner à sa porte. Avec son frère Robert, ils ont toujours estimé que les enquêteurs n’avaient pas effectué assez de recherches pour retrouver Nancy. Leur père Edward est décédé en 2007, sans savoir ce qui est arrivé à sa fille.

Pamela Ann Nater, 20 ans, est une infirmière brune d’un mètre cinquante-deux et 58 kilos qui travaille à
l’hôpital Morton Plant, à Clearwater, lorsqu’elle disparaît, le 2 octobre 1966.

Les circonstances sont étranges car elles sont toutes les deux pieds nus et en maillot de bain, et Nancy ne porte même pas ses lunettes qui lui sont indispensables. Aucune d’entre elles n’a son sac à main. La thèse de la fugue est donc à écarter, d’autant plus que les deux jeunes femmes ne sont pas des amies proches. Elles ne se connaissaient que parce que leurs amis respectifs appartenaient à un club de plongée. Les fouilles durent trois semaines, avant d’être abandonnées, ce que les familles reprocheront aux enquêteurs. Une noyade paraît exclue car les dizaines de plongeurs auraient fini par découvrir les corps. Se sont-elles perdues dans les sous-bois ? Cela semble improbable car les sentiers sont très bien balisés. L’hypothèse d’un alligator, évoquée par certains médias, est absurde car on a peine à croire qu’un animal puisse s’attaquer à deux personnes en même temps. Il ne reste donc qu’une possibilité, celle du kidnapping, suivi de l’assassinat de Nancy et de Pamela.

Seul témoignage, celui d’un jeune garçon qui aperçoit les jeunes filles vers 14 heures, sur un sentier, en compagnie d’un homme coiffé avec une raie sur le côté.

Pour le shérif Willis McCall du comté de Lake, le suspect appartient au club de plongée. Il se focalise sur Craig, l’ex-fiancé de Nancy, car cette dernière fréquente à présent Ben, un autre membre de l’Aquaholics Club. Mais cette piste n’aboutit à rien. Six ans plus
tard, Karl McGregory, un détenu, avoue être l’assassin, mais il est incapable de donner des détails sur les deux jeunes femmes, ou sur les circonstances de leur disparition. Il faut attendre l’année 1973 pour que l’unité des
cold cases
du comté de Lake se décide à reprendre l’affaire en main, notamment grâce au sergent Ken Adams.

Celui-ci a été en charge de la brigade des homicides et, en particulier, de tous les
cold cases
. Il a beaucoup enquêté sur la disparition de ces deux jeunes femmes et il se souvient très bien de l’affaire : « Elles se rendaient à Alexander Springs pour participer à une excursion afin de rejoindre leurs boy-friends dans la forêt d’Ocala. Ils faisaient tous partie de l’Aquaholics Club de plongée sous-marine, à Clearwater. L’eau étant trop froide, les deux jeunes femmes avaient décidé d’explorer des chemins forestiers. Vers 15 h 30-16 heures, le groupe était prêt à repartir, mais les deux amis n’ont pas retrouvé leurs compagnes. Au bout de plusieurs heures de recherches, ils ont signalé leur disparition. A un moment donné, elles étaient revenues à leur
véhicule car leurs affaires et les paniers de pique-nique étaient à bord.

« Ce n’est qu’au bout de sept ans, en 1973, que le nom de Schaefer est apparu dans le dossier. Mais ce n’était qu’une hypothèse parmi beaucoup d’autres car nous ne pouvions pas prouver qu’il était dans la région d’Ocala en 1966. Dix ans plus tard, en 1983, Schaefer purgeait sa peine de réclusion à perpétuité et il avait engagé une procédure d’appel, ce qu’il faisait à chaque fois. En janvier de cette même année, il a envoyé un courrier à tous les shérifs et responsables judiciaires de l’ensemble des comtés de Floride. C’était une lettre type, tapée à la machine, où il demandait aux différents destinataires d’indiquer s’il était oui ou non un suspect dans des affaires de meurtres qui se seraient déroulées au sein de leurs juridictions respectives. Une démarche déjà complètement inhabituelle, mais surtout, la lettre qu’il nous a envoyée avait un post-scriptum écrit de sa main au bas de la feuille : “Qu’en est-il des deux jeunes femmes ‘disparues’ à Alexander Springs dans la forêt d’Ocala ? Certains officiers de police et journalistes estiment que c’est moi. Pourquoi ne pas en discuter ?” En mars 1983, un membre de la brigade des homicides s’est rendu au pénitencier pour l’interroger à ce sujet. Un entretien aussi bizarre que le courrier qu’il nous avait adressé. Il prétendait savoir des choses, tout en affirmant qu’il était innocent. Il était visible qu’il tentait de savoir ce que nous savions de son implication dans ces disparitions. Schaefer a joué au chat et à la souris avec l’enquêteur. Par ses paroles, il niait être à l’origine
de cette double disparition, mais ses gestes, son regard et son sourire disaient le contraire.

« En 2004, nous avons décidé de rouvrir ce
cold case
et de confier l’ensemble du dossier à un profiler de l’Etat de Floride qui a confirmé de manière définitive nos soupçons quant à la culpabilité de Gerard Schaefer. A ses yeux, l’ex-policier, qui était déjà mort à cette époque, connaissait trop de détails pour ne pas avoir été présent à Alexander Springs. En 1983, notre inspecteur avait demandé à Schaefer s’il était d’accord pour passer au détecteur de mensonges. Il avait dit oui, tout en précisant que le polygraphe “allait soit montrer [sa] culpabilité, soit être peu concluant”, ce qui est plutôt bizarre comme réponse. Soit vous êtes innocent, soit vous êtes coupable. Encore une fois, une preuve de son implication.

« Sa méthode consistait à distiller par la parole ou par l’écrit de petits indices, avant de déclarer par la suite qu’il avait inventé ça de toutes pièces. Un vrai “jeu” de manipulation. Nous avions aussi un témoin, un garçon âgé de 11 ans, qui avait vu en 1966 un homme suivre les deux jeunes femmes le long d’un chemin s’enfonçant dans les bois. Nous l’avons interrogé à nouveau des années plus tard. Il se souvenait très bien de l’air déterminé de cet individu qui lui avait paru tendu, comme s’il avait “quelque chose à faire”, ce n’était pas quelqu’un de décontracté qui faisait une randonnée. Nous lui avons montré un grand nombre de photos et, devant celle de Schaefer, il nous a dit : non, ce n’est pas lui, il a l’air trop clean. Il nous a dessiné une sorte de
portrait-robot de cet individu et lorsque nous sommes allés voir nos collègues du sud de la Floride, son dessin correspondait à 90 % au Gerard Schaefer de 1966 qui n’avait plus du tout le look “clean” d’un beau gosse, tel que Sondra London l’avait connu en 1964-1965. Après la rupture, il s’était laissé aller et son apparence physique était beaucoup moins soignée.

 

« Le 17 juillet 2007, soit plus de quarante ans après les faits, nos services ont annoncé par un communiqué de presse que cette affaire était résolue, même si nous ne disposons que de présomptions. Pour nous, il ne fait aucun doute que c’est Gerard Schaefer qui a tué ces deux jeunes femmes. Le tueur s’est confessé auprès d’un codétenu, Charles Sizelove, un ancien policier condamné pour escroquerie, alors qu’ils étaient tous les deux incarcérés. Sizelove a pris des notes sur toutes ses conversations avec Schaefer, qu’il a transmises à l’administration pénitentiaire. Il a indiqué à notre informateur qu’il avait kidnappé Leichner et Nater en les menaçant d’un couteau sur le parking d’Alexander Springs et qu’il les avait tuées, avant de les démembrer et de disperser les restes dans les marais pour servir de nourriture aux alligators. Ce parking est très particulier et il faut y avoir été pour en donner des détails aussi précis que ceux que nous a rapportés Charles Sizelove. D’autres témoins de cette double disparition ont été interrogés à nouveau. Dans un rapport du 3 mai 2007, Wade C. Meyers, directeur du Forensic Psychiatry Program à l’université de Floride, conclut par ces mots : “Les preuves indirectes
et de nombreux témoignages convergent tous vers un même individu, Gerard Schaefer, qui est très certainement l’assassin de ces deux femmes.” Nous savons à présent que Schaefer s’est trouvé à plusieurs reprises dans le centre de la Floride et aux alentours de Daytona Beach durant toute l’année 1966. Mais cette certitude a un goût d’amertume, bien sûr. Nous n’avons toujours pas retrouvé les corps. Les parents de Nater sont décédés, ainsi que le père de Leichner, sans savoir que le meurtrier de leurs filles respectives a été identifié. Pour moi, le cas Schaefer est exceptionnel car je n’ai jamais été confronté à un individu aussi déséquilibré. Un criminel comme lui, on n’en croise qu’un seul dans sa carrière. »

 

Deux mois après la disparition de Leigh Hainline Bonadies, le 8 septembre 1969, une date qui coïncide avec le jugement de divorce de ses parents, le 18 décembre, c’est au tour de Carmen Marie Hallock de disparaître sans laisser de traces. Cette serveuse brune, âgée de 22 ans, travaille au Round Table Restaurant, sur Oakland Park Boulevard. Elle déjeune avec une amie au centre commercial de Coral Ridge. Elles se quittent à 14 h 30, Carmen indiquant qu’elle a un rendez-vous à 17 heures pour un nouvel emploi comme « agent infiltré travaillant pour le gouvernement ». Ce poste lui a été proposé trois mois plus tôt par un professeur du Broward County Community College. Ce job l’amènerait à beaucoup voyager et lui permettrait de « gagner beaucoup d’argent ». Fragilisée par la perte
de ses parents, Carmen Hallock croit dur comme fer à cette opportunité, malgré les mises en garde répétées de sa sœur qui lui affirme qu’elle risque de tomber entre les mains d’un réseau de prostitution.

Le jour de Noël, sa sœur ne la voit pas venir et se rend à son appartement où elle découvre que le chien de Carmen n’a pas été nourri depuis plusieurs jours. Elle est visiblement partie au volant de son véhicule qui sera retrouvé dans un parking quelques jours plus tard.

Chez les Schaefer, alors jeunes mariés, les disputes s’enveniment et atteignent leur point culminant pendant les fêtes. A la moindre incartade, Schaefer n’hésite pas à quitter le domicile de sa mère pour « calmer ses nerfs », explique-t-il. A la pêche ? A la chasse ? Et quel type de « gibier » traque-t-il ?

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