Sex Beast (5 page)

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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

BOOK: Sex Beast
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Gerard Schaefer vit très mal cette séparation qu’il considère comme un abandon. Après Cindy en 1964, c’est au tour de Sondra de le « lâcher » en 1965. D’après ce que Schaefer semble insinuer dans un
courrier, elle serait partie après le récit d’« une mort semi-accidentelle sur une plage de Fort Lauderdale » qui se serait déroulée avant leur première rencontre. Il aurait eu 16 ou 17 ans, à ce moment-là. Lorsque je la questionne à ce sujet, Sondra évoque une soirée qui prend une sinistre tournure : « Après notre séparation, John s’est mis à me harceler. Des années plus tard, dans une lettre qu’il m’a envoyée de prison, il m’a indiqué qu’il se cachait pour m’observer quand je rentrais chez moi le soir avec mon nouveau boy-friend et qu’il me regardait l’embrasser. Au téléphone, il me disait : “Je vais te retrouver.” Une menace à peine voilée. Je me souviens aussi d’un autre événement. J’étais allée assister à un match de football américain au stade de Fort Lauderdale. Comme la plupart des stades aux Etats-Unis, il fallait emprunter un long chemin pour se rendre au parking. J’étais avec une amie quand Schaefer s’est approché au volant de sa voiture : “Veux-tu que je te dépose quelque part ?” J’ai juste dit “non”. Des années plus tard, alors que je discutais avec lui dans le parloir de Florida State Prison, il m’a révélé la véritable signification de cette scène somme toute banale : “As-tu jamais eu l’envie de me tuer ? — Ce soir-là, au stade de Fort Lauderdale, si tu avais accepté de monter, je t’aurais tuée.” »

Les seuls cours que Schaefer suit avec assiduité au Broward Community College sont les ateliers d’écriture. Son unique ami proche est Mike McGonigle dont il fait la connaissance au collège en 1963. Leur amitié se cimentera durant les années suivantes, malgré le départ
de Mike au Viêt-nam et l’Europe dans les rangs de l’US Navy. « John n’aimait vraiment pas son père, explique-t-il. Il adorait écrire et il a publié des nouvelles et des poèmes pour
Pan Lu
, le magazine littéraire du Broward Community College. Plus tard, il a aussi envoyé des récits de chasse et de pêche à des revues professionnelles. C’était vraiment sa passion. »

Au Broward Community College, Betty Owens était professeur de communication et dirigeait le magazine
Pan Lu
 : « La première fois que j’ai croisé John Schaefer, c’est quand il a rejoint ce groupe musical “Sing-Out 66”, des idéalistes, des altruistes, des gens magnifiques qui ont effectué une longue tournée à travers tout le pays. Ces termes correspondent d’ailleurs à ce que je pense de John. C’était un écrivain très prometteur. Je me souviens très bien d’une nouvelle,
The Yellow Letter
, un récit mystique sur la guerre civile, écrite dans le style de Stephen Crane. »

Toujours tourmenté par ses démons intérieurs et ses envies de tuer des femmes, Schaefer ne peut plus en parler à Sondra et se confie donc à son professeur qui le dirige vers le psychologue de l’établissement, le
docteur Neal Crispo. Cet entretien marque à tout jamais cet homme qui l’évoquera huit ans plus tard lors du procès pour meurtre de l’ex-shérif adjoint : « Il voulait s’engager dans l’armée afin de pouvoir tuer “des choses” en toute liberté. “J’adore faire des cartons sur les vaches.” Il m’a expliqué qu’il massacrait du bétail, en décapitant les animaux à la machette avant de violer les carcasses. Je m’occupe tout le temps d’étudiants qui ont des problèmes. J’estimais qu’il avait de sérieuses difficultés émotionnelles, ce qui fait que je l’ai envoyé chez le docteur Adolph Koch. » Professeur de psychologie au collège, le docteur Koch lui recommande un traitement psychiatrique à la clinique Henderson. Dans un entretien au
St. Petersburg Times
en date du 28 mai 1973, Mme Schaefer déclare : « J’ai demandé au psychiatre quel était le problème de John, mais il m’a indiqué qu’il ne pouvait pas me le dire. Si je vous dévoile quoi que ce soit, vous allez chercher. Vous serez soupçonneuse. Il faut le laisser tranquille, ne pas le déranger. Il a indiqué à John qu’il devait écrire tout ce qui lui passait par la tête. C’était supposé l’aider. »

A l’automne 1965, Schaefer termine son premier
semestre d’études avant de participer à la grande tournée de son groupe musical. Sponsorisé par le
Nashville Banner
, il est composé d’étudiants du monde entier dont la mission consiste à faire passer un message de « réarmement moral » et de soutien aux troupes américaines qui combattent dans le Sud-Est asiatique. Reçu en grande pompe un peu partout aux Etats-Unis, « Sing-Out 66 » se déplace dans des autobus spécialement affrétés. Le tube du groupe est « Freedom Isn’t Free » et partout où ils vont, ils invitent les étudiants à abandonner leurs études pour les rejoindre. « John et quinze autres élèves du Broward Community College sont ainsi partis avec le groupe, explique Mike McGonigle. Il m’a dit que c’étaient des adolescents qui voulaient le bien de l’Amérique. J’étais à Memphis quand j’ai revu John dans son blazer rouge avec le 66 emblasonné en chiffres dorés sur sa pochette. Il a chanté deux ou trois chansons sur scène avec la chorale avant de me retrouver parmi les spectateurs. » La future star de cinéma Glenn Close fait partie de la chorale, mais Schaefer lui préfère Martha Fogg, originaire d’Abingdon, dans le Massachusetts. Ils se fréquentent pendant l’été 1966 et Schaefer envisage de suivre la tournée allemande du groupe, lorsqu’il contracte la rougeole. Il perd contact avec Martha et retourne à ses études en septembre 1966. En 1967, il obtient un diplôme en administration des affaires. « John adorait les Everglades, affirme Mike McGonigle, il y était tout le temps fourré dès qu’il avait quelques heures de liberté. Il détestait les projets immobiliers qui voulaient empiéter sur l’espace sauvage des marais. A chaque fois
que John cherchait un emploi, il indiquait toujours sur son CV qu’il avait été guide des Everglades, établi à son compte, entre 1964 et 1970. En fin d’année 1967, on a passé beaucoup de temps ensemble pendant les fêtes de Noël à aller de soirée en soirée. John me présentait toujours aux filles pour m’arranger des coups. » En janvier 1968, il s’inscrit à l’université Florida Atlantic, où il est pensionnaire, afin d’y décrocher un diplôme d’enseignant. Il y retrouve un ami, Jerry Webster, qui a 24 ans et qu’il connaît depuis 1962. Tous les deux partagent le même dortoir à l’université. « Nous adorions la chasse, la pêche et la littérature anglaise », se souvient Jerry Webster, à présent établi en Caroline du Nord. Les notes médiocres de Schaefer ne lui permettent pas d’obtenir son sursis d’appel sous les drapeaux et il reçoit l’ordre de se présenter pour son service militaire en avril 1968. Il laisse une note suicidaire dans son dortoir et s’enfuit pour se cacher. Jerry Webster le retrouve à leur stand de tir favori. « John était quelqu’un qui présentait très bien, une personne pacifique qui détestait toute forme de violence. C’était sa manière à lui d’éviter l’armée. A cette époque, il voyait déjà un psychiatre pour l’aider à se faire réformer. » Le 17 mai 1968, le docteur Raymond Killinger lui fait passer un examen psychiatrique qui ne révèle aucune tendance suicidaire, mais « une sévère désorganisation psychologique et un fort sentiment de frustration ». Plus tard, Schaefer affirme qu’il a été arrêté par la police militaire alors qu’il portait des vêtements de femme, afin de ne pas faire son service. Cependant, on ne trouve aucune confirmation d’un tel
événement. L’armée le dispense de service militaire en lui attribuant une classification « 1-Y » pour des raisons « physiques, mentales et morales ». 1-Y signifie qu’il est déclaré apte à servir sous les drapeaux mais seulement en cas de guerre ou d’une urgence nationale.

L’année 1968 marque la rupture de ses parents. Gerard Schaefer Sr. sombre dans l’alcoolisme et profite de son emploi de représentant pour avoir de nombreuses maîtresses. Son fils les qualifie de « putes ». En mai, il est licencié par Kimberly-Clark, tandis que Doris demande le divorce le 2 juillet. Il quitte la maison de manière définitive peu de temps après. Lors de son entretien avec le psychiatre R. C. Eaton, le 9 avril 1973, Schaefer indique que son père a tenté de se suicider avec une arme à feu lorsque lui-même était âgé de 20 ans, ce qui situe cet événement en 1966. Là aussi, je n’en trouve aucune trace ou confirmation, même en prenant en considération le fait qu’il ait pu se tromper d’un ou deux ans. En juillet 1968 toujours, Gerard John Schaefer démissionne de son emploi sur un chantier de construction où il travaille avec Jerry Webster, afin de rejoindre Mike McGonigle qui fait du camping dans l’Ontario et le Michigan où il est accompagné de son jeune frère Gary. Il y reste deux semaines pour pêcher et chasser, jusqu’à son retour en Floride avec sa fiancée Martha Fogg, rencontrée lors de la tournée du groupe « Sing-Out 66 », plus de deux ans auparavant. « Il a rencontré Marty quelque part dans le Michigan, explique Mike McGonigle. Lorsqu’il m’a raconté qu’ils étaient fiancés, je lui ai dit qu’il était dingue. Il ne la connaissait
que depuis quelques semaines. » Le couple se marie et s’installe chez la mère de Schaefer à Fort Lauderdale. Tous les deux suivent des cours à l’université Florida Atlantic. Le 27 février 1969, il obtient un poste de professeur remplaçant au lycée Plantation High School. Au bout de quelques semaines, le proviseur le renvoie pour « conduite totalement inappropriée ». En fait, Schaefer profite des cours pour tenter d’imposer aux élèves ses idées politiques et morales. Dans sa lettre de motivation, il écrit : « Je crois qu’un enseignant doit absolument montrer et refléter les attitudes et les standards de la communauté pour laquelle il travaille, car ses actions influencent les enfants dont il a la charge. »

Sans emploi pendant plusieurs mois, il rumine dans la maison de sa mère sur ses échecs répétés en tant qu’aspirant prêtre et professeur. Ses parties de chasse dans les sous-bois des Everglades deviennent de plus en plus fréquentes. Il est intimement persuadé qu’une mission divine lui a été confiée, celle « de détruire les prostituées et les femmes de mauvaise vie pour le bien-être de la société ». Son mariage commence à battre de l’aile, Martha ayant de plus en plus de mal à supporter les jérémiades de son mari. Aux yeux de Jerry Webster, « Martha est un génie. John est aussi très intelligent, mais il veut toujours se mettre en compétition avec les autres. C’était difficile pour lui de vivre avec quelqu’un au QI aussi élevé que Marty. John avait des opinions très arrêtées et il voulait que les autres le sachent ». En septembre 1969, le divorce de ses parents est prononcé. Schaefer reprend ses études et il réussit à nouveau à être
nommé professeur à Stranahan High School. Encore une fois, il est renvoyé au bout de quelques semaines à peine, le 11 novembre 1969, Richard Goodhart expliquant que l’apprenti professeur haranguait les élèves avec des discours incohérents et violents : « Je lui ai dit que si jamais il tentait d’avoir un poste qui lui donnerait autorité sur d’autres, je ferais tout mon possible pour qu’il ne soit jamais retenu. » En fin d’année, il abandonne ses études, « à cause de problèmes de couple ». Le 9 avril 1973, il explique au psychiatre qu’on l’a renvoyé « parce qu’on ne voulait engager que des Noirs ».

En mars 1970, Schaefer réintègre l’université Florida Atlantic et, deux mois plus tard, le 2 mai, Martha demande le divorce. La raison ? « L’extrême cruauté » de Gerard John Schaefer. Leur union n’aura duré que six mois. Pour se changer les idées, il décide de partir un mois en Europe et en Afrique du Nord. Il visite Paris, Arles, Avignon et Perpignan. Il traverse le désert du Sahara, notamment pour y acheter des objets d’art pour le compte d’une firme marocaine. Dans plusieurs courriers des années 1990, il laisse entendre qu’il a tué sur quatre continents, mais rien ne permet de confirmer ou d’infirmer ses dires.

Le 8 septembre 1969, Leigh Hainline, l’ex-voisine de Gerard Schaefer, qui le « provoquait » en se déshabillant à sa fenêtre en 1964-1965, disparaît dans des circonstances mystérieuses.

Le 21 août, âgée de 25 ans, Leigh épouse Charles Bonadies. Il s’agit de son second mariage qui, dès le départ, est marqué par de très nombreuses disputes.
A l’époque où Leigh rencontre Charles, elle n’habite plus chez ses parents, dans la même rue que Gerard Schaefer, mais dans un immeuble, le Mandalay, réservé aux célibataires, dans le centre-ville de Fort Lauderdale. Les amies proches de Leigh la dépeignent comme quelqu’un de malheureux qui boit beaucoup et qui se drogue. Sa mère indique qu’elle est trop naïve. Pendant leur adolescence, Schaefer est très ami avec Gary, le frère de Leigh. Ils fréquentent tous les trois la piscine des Hainline et Gerard joue souvent au tennis avec Gary. Le jour de sa disparition, Leigh laisse un mot qui précise qu’elle reviendra plus tard pour faire une partie de tennis.

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