Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) (13 page)

BOOK: Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition)
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— Ça ne coûte rien d’essayer. Sinon, nous nous adresserons à leurs frères et sœurs, ou leurs oncles et tantes. Nous ne pouvons pas nous permettre d’accepter les refus. Quelqu’un finira par parler ; on finit toujours par
parler.

— Donc ce que nous cherchons vraiment, c’est un lien entre les filles − un point commun, que ce soit l’école où elles allaient ou une connaissance qu’elles
fréquentaient ?

— Tout juste. N’importe quel
lien.


 Compris.

Jessica se leva et disparut dans la salle de rangement pour rassembler ses
affaires.

Lizzy déchira une autre feuille de papier absorbant et essuya la poussière de son bureau, à l’endroit où les dossiers étaient étalés, puis elle ouvrit le tiroir du haut et se mit en quête de son tube d’Ibuprofène. Les poils se dressèrent sur sa nuque. Elle était persuadée que quelqu’un l’observait.

Elle se tourna vers la fenêtre et scruta la rue en direction des devantures désertes. Il était là.
Elle pouvait le sentir, le percevoir, et pourtant, elle ne le voyait nulle
part.

Elle en eut la chair de
poule.

Où es-tu Spiderman ? Montre-toi, montre-toi, où que tu
sois.

CHAPITRE 14

Mercredi 17 février 2010, 11 h
 30

 

Jared gara sa Denali sur un emplacement exigu derrière la Toyota de Lizzy. La soirée de la veille lui semblait déjà si loin. Il n’avait jamais vu son père dans une telle détresse. C’était un homme consciencieux, qui avait toujours eu un sens aigu du bien et du mal. Braquer une arme sur la femme à laquelle il était marié depuis quarante ans ne lui ressemblait pas. La sœur de Jared avait emmené leur mère chez elle, tandis que Jared était resté avec leur père. Après l’avoir aidé à dessaouler, Jared avait eu une grande discussion avec lui. C’était la première fois qu’il voyait son père pleurer, la première fois qu’il prenait conscience que son père était un humain comme les
autres.

Il tendit la clé vers sa Denali et enfonça le bouton de verrouillage automatique. Sa voiture lui répondit d’un coup de
klaxon.

Le froid de l’air le saisit. Il regarda attentivement à travers la lunette arrière de la Toyota de Lizzy. Il avait du mal à croire que son Fidèle Vagabond roulait toujours. Lizzy conduisait déjà cette voiture au lycée. Les sièges en vinyle craquelé lui étaient familiers. Lizzy et lui avaient échangé tant de caresses sur ces banquettes.
Le bon vieux
temps.

— Lizzy, Lizzy, murmura-t-il.

Il aimait tout chez cette fille. Sa façon de marcher et de parler, ce qu’il ressentait chaque fois qu’il plongeait le regard dans ses yeux verts si expressifs. Il l’avait aimée dès l’instant où il l’avait rencontrée. Elle exsudait la bonté d’âme − c’est exactement pour cela qu’elle consacrait la majeure partie de ses week-ends à apprendre aux jeunes filles à se défendre. Bien que ses années à l’université, suivies de sa formation à l’académie, l’aient accaparé, il n’y avait pas eu un jour sans qu’il ne pense à Lizzy Gardner. Il avait passé de nombreuses nuits blanches, rongé par la culpabilité de ce soir-là, où il l’avait laissé rentrer chez elle toute seule. S’il avait un seul regret, c’était celui-ci. Il aurait dû réfléchir. Mais Lizzy était têtue. Elle l’était toujours. À l’époque, elle était pleine de vie, débordante de promesses avant que ce détraqué ne l’enlève au beau milieu de la rue. Il avait essayé d’éteindre l’éclat éblouissant de Lizzy, mais elle avait survécu pour raconter son histoire. C’était une battante. Et si elle lui permettait de revenir dans sa vie, cette fois Jared ne la laisserait pas
tomber.

Il entendit des bruits de pas mal assurés et leva les yeux pour apercevoir Lizzy qui le rejoignait en claudiquant. La fatigue assombrissait son regard, mais elle sourit dès qu’elle le
vit.

— Salut, beauté, dit-il.

Elle lui répondit par une pose affectée à la Mae West, qui mit en relief sa jolie veste tachée de
café.

— Une matinée difficile,
hein ?

— On peut le
dire.

— Mais qu’est-il arrivé à ton
visage ?

— La femme à la Jeep est revenue ce matin. Je l’ai prise par surprise. Juste au moment où j’ouvrais la portière arrière, elle a démarré et a bien failli me rouler
dessus.

Il siffla entre ses
dents.

— Tu es allée chez le médecin ? Cette bosse sur ton front a l’air
sérieuse.

— Ça
ira.

Il
soupira.

— J’aimerais bien discuter, mais je dois y aller, dit-elle en passant près de
lui.

— J’espérais t’emmener manger un
morceau.

— Je ne peux pas. J’ai une affaire sur les bras… une
planque.

— Fraude à l’assurance ?


 Infidélité.

Elle déverrouilla sa voiture et le regarda par-dessus son
épaule.

— Si tu veux entendre tous les détails sordides, tu es le bienvenu pour m’accompagner.

— Allons-y.

Lizzy se glissa derrière le volant de sa vieille Toyota et démarra le moteur. La voiture toussota et cracha. Jared monta sur le siège passager et jeta un coup d’œil sur la banquette
arrière.

— Ton Fidèle Vagabond me transporte à une autre
époque.

Ses joues rougirent tandis qu’elle fouillait dans son sac à dos. Elle lui tendit l’adresse à laquelle ils devaient se rendre. Sans perdre plus de temps, elle s’engagea sur la
route.

— Jimmy t’a-t-il appris quelque chose sur Carl
Dane ?

— J’ai parlé à Jimmy il n’y a pas longtemps. Dane était le premier propriétaire de la maison. Il y a vécu avec sa famille, de 1980 à 1991. Puis elle a été mise en location de 1991 jusqu’à la fin de l’année 2002. Les Walker ont emménagé en janvier
 2003.

— M. Dane doit avoir gardé une trace des personnes auxquelles il a loué la maison pendant tout ce
temps.

— Sa fille a jeté les dossiers après sa mort, il y a quelques années. L’équipe est en train de chercher une liste des locataires auprès des services publics de la
région.

— Et les experts médico-légaux ? Ont-ils découvert quelque chose dans les
chambres ?

— Pour l’instant, il semblerait que les lieux soient
propres.

— Il devrait y avoir des traces de sang, des trous rafistolés dans le mur à l’endroit où se trouvaient les menottes… quelque chose,
non ?

— Nous devons nous accrocher. Si c’est bien la maison, on tombera forcément sur quelque chose. Le jardin arrière sera creusé dès demain
matin.

Elle ne quittait pas la route du regard, alors qu’ils approchaient de l’entrée de l’autoroute.

— Et en ce qui concerne une liste de médecins dans les dossiers des victimes ? Quelque
chose ?

Jared sortit de la poche de sa chemise un calepin de la taille d’un
portefeuille.

— J’ai passé la majeure partie de la matinée à parcourir les dossiers. Voici les noms des praticiens consultés par certaines des victimes et les membres de leurs familles. Je n’en ai décelé aucun qui apparaisse plusieurs fois, mais la liste est à
toi.

Il posa le calepin sur la console
centrale.

— Merci. J’apprécie
beaucoup.

— De rien, fit Jared. Alors, qui filons-nous cet après-midi ?

— Valerie
Hunt.

— Son mari t’a
embauchée ?

— Il appelait Valerie sa femme, mais je ne suis pas certaine de le croire. Il s’est présenté sous le nom de
Victor.

— L’as-tu rencontré en
personne ?

Elle lui jeta un regard en
coin.

— Tu penses que Victor pourrait avoir un lien avec
Spiderman ?

— Ne me dis pas que l’idée ne t’a pas effleuré l’esprit.

— Si, avoua-t-elle, mais quand Victor m’a appelée la seconde fois, j’ai pensé que ce serait stupide de refuser la somme qu’il m’offrait.

— Et sa voix… ressemblait-elle à celle de
Spiderman ?

— Victor a une voix grave et rauque. Spiderman utilise un synthétiseur vocal. C’est difficile de
comparer.

— Et Valerie Hunt, une idée de qui il s’agit ?

— J’ai fait une rapide recherche. Elle a obtenu son diplôme à McGeorge en 1995. Elle est avocate chez Dutton et Graves depuis huit ans. Pas d’enfants. Je n’ai rien pu trouver qui montre qu’elle soit mariée ou qu’elle ait un
enfant.

Un silence s’installa entre
eux.

— Si Victor est Spiderman, reprit Lizzy, pourquoi m’embaucherait-il pour suivre
Valerie ?

— Il essaie peut-être de t’attirer dans un
piège.

— Eh bien, je ne suivrai ni Valerie ni qui que ce soit dans un entrepôt désert ou une ruelle sombre. Et si cette femme a quelque chose à voir avec lui, alors Spiderman ne fait que nous faciliter la
tâche.

Un mauvais pressentiment le gagnait peu à peu. Ce n’était pas de gaîté de cœur que Jared avait entraîné Lizzy dans cette situation embrouillée. Mais s’il ne l’avait pas fait, alors Jimmy s’en serait chargé. Le mot laissé par le ravisseur de Sophie avait scellé son
destin.

— Comment Victor prévoit-il de te
payer ?

— Il envoie un coursier me remettre l’argent aujourd’hui. J’ai dit à Jessica de regarder attentivement la personne qui effectuera la livraison… nom et signalement, type de véhicule et marque, numéro d’immatriculation,
etc.

Lizzy emprunta la sortie suivante et s’arrêta au feu
rouge.

— Tu ne penses pas que Jessica est en danger,
si ?

Jared saisissait déjà un numéro sur son
téléphone.

— Je vais envoyer quelqu’un pour surveiller ton bureau jusqu’à ce que nous en sachions plus sur
Victor.

 

 

Karen Crowley serrait le volant à s’en faire blanchir les jointures des doigts. Son regard alternait entre la route devant elle et le rétroviseur. Des sirènes hurlaient dans le lointain. La panique déferla en elle. Elle mourait d’envie de s’engager sur la voie de droite pour prendre la prochaine sortie de l’autoroute, mais une voiture lui bloquait le passage et elle ne voulait surtout pas faire de manœuvre dangereuse. Elle n’avait pas cherché à blesser Lizzy Gardner en partant du café. C’était un accident. Elle voulait juste surveiller la jeune femme et s’assurer que son frère ne rôdait pas dans les parages pour lui causer des
ennuis.

Rien ne s’était déroulé comme prévu. Son séjour d’une semaine durait déjà depuis quinze jours. Son mari et ses enfants avaient besoin d’elle, mais elle ne pouvait pas rentrer à la maison pour l’instant. Pas
encore.

Elle était venue aux États-Unis pour retrouver son frère et lui demander pardon. Elle ne l’avait pas vu depuis plus de vingt ans, depuis qu’elle était partie faire ses études à Florence, en Italie. Au bout d’un mois dans le pays, elle avait rencontré Nicolas. Ils étaient tombés amoureux et, pendant les deux décennies suivantes, rien d’autre n’avait eu d’importance. Nicolas et elle avaient acheté une maison à la campagne. Leur premier enfant était une fille, Amber. Leur second, un garçon. Ils l’avaient appelé Adam. Or, Adam était la copie conforme de son propre frère,
Sam.

Elle se mordit la lèvre inférieure lorsque la police passa en trombe à côté d’elle, tous gyrophares
dehors.

Six mois plus tôt, Adam avait fêté ses treize ans, et chaque fois qu’elle le regardait, elle voyait son frère : même grand front, même mâchoire fine, et mêmes yeux bleus expressifs. Pourtant, trop souvent dans son esprit, le visage de son fils se déformait et elle voyait le même regard horrifié qu’elle avait vu chez son frère quand elle l’avait découvert dans le sous-sol.

Sa poitrine se
serra.

Elle donna un coup de volant pour s’arrêter sur le bas-côté de la route en faisant crisser ses pneus. Sa tête tomba sur le volant. Elle inspira de grandes bouffées d’air.

— Oh, mon Dieu, sanglotait-elle. Qu’est-ce que j’ai
fait ?

 

 

Les talons hauts de Nancy Moreno claquaient sur le sol tandis qu’elle franchissait en toute hâte la double porte menant au studio d’enregistrement.

Caroline Mills, responsable de la coiffure et du maquillage pour KBTV, se rua vers
elle.

— Où étiez-vous ? M. Cunningham arpente tous les couloirs pour vous trouver, il s’arrache les
cheveux.

— Il est chauve, fit remarquer Nancy à
Caroline.

Elle la suivit dans la salle sur la droite, avant de s’asseoir sur un tabouret devant le vaste miroir mural. Sans perdre un instant, Caroline se mit à coiffer Nancy. Ses mains s’agitaient en tourbillonnant autour de ses
cheveux.

Quelqu’un appela Nancy de
loin.

— Elle est ici, répondit
Caroline.

Quelques secondes plus tard, la silhouette corpulente de M. Cunningham remplit l’encadrement de la porte. Il avait les poings serrés le long du
corps.

Il ne pouvait pas dire grand-chose.
Elle était là, après tout
. Tout le monde savait que Cunningham ne la renverrait jamais. Nancy Moreno était la meilleure chose qui soit jamais arrivée à la chaîne. Depuis 1995, elle présentait trois des dix émissions d’information primées les plus regardées en soirée. Elle avait reçu de nombreuses récompenses professionnelles au fil des ans, dont deux
Emmy.

La sonnerie de son portable la tira de ses pensées. Elle appuya sur une touche et
répondit.

— Avez-vous le renseignement que je vous ai
demandé ?

C’était
lui
. Nancy colla son téléphone contre son
oreille.

— Pas encore, mais j’y travaille. Ce genre de chose prend du
temps.

Elle jeta un coup d’œil en direction de
Cunningham.

— Je ne peux pas parler pour le moment, ajouta-t-elle. Je passe en direct
dans…

— La lumière verte est allumée depuis deux minutes, aboya Cunningham. Ça va, les cheveux. Elle doit y aller.
Maintenant !

— Obtenez ce que je vous ai demandé avant la fin de la semaine, exigea son interlocuteur, ou je cède mon histoire à Gina Lockwell de Channel
3.

— C’est une menace ? Parce que si c’est le
cas…

Le grondement d’un rire sourd l’interrompit. Un déclic à l’autre bout de la ligne lui apprit que leur conversation était
terminée.

Nancy frissonna. Et pourtant, la perspective que Gina Lockwell obtienne l’histoire l’emportait sur ses réticences à l’idée que son interlocuteur puisse être un tueur
psychopathe.

— Vous transpirez, dit Caroline, sans réagir aux gesticulations de Cunningham qui essayait de les faire
accélérer.

Nullement découragée, Nancy glissa de son tabouret et franchit la porte. Caroline restait à son niveau pour lui poudrer le visage, tandis qu’elles suivaient Cunningham dans le couloir. Nancy aurait dû se concentrer sur les actualités du matin, mais elle n’y arrivait pas. L’homme qui l’avait appelée ne lui avait pas donné son nom. Elle lui avait parlé deux jours plus tôt pour la première fois. Il s’était présenté comme le seul et l’unique Spiderman, le célèbre tueur. Il lui avait dit que Frank Lyle, l’homme arrêté pour le meurtre de Jennifer Campbell, était un imposteur. Elle ne l’avait pas tout de suite cru, mais elle n’avait pas non plus
raccroché.

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