The Setting Lake Sun

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Authors: J. R. Leveillé

BOOK: The Setting Lake Sun
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Le soleil du lac qui se couche
The Setting Lake Sun

J.R. LÉVEILLÉ

TRANSLATED BY
S.E. Stewart

Roman / Novel

Publ. à l'origine, 2001.

Les Éditions du Blé remercient le Conseil des Arts du Canada et le Conseil des arts du Manitoba de l'aide accordée à leur programme de publication.

Les Éditions du Blé 

Saint-Boniface (Manitoba)

http://ble.avoslivres.ca

© J.R. Léveillé et les Éditions du Blé, 2009.

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*

© 2001, J.R. Léveillé & S.E. Stewart

EPub Edition, 2011

ISBN 978-2923673-21-9

ISBN 978-1897109-59-5

Published in French as
Le soleil du lac qui se couche
by Les Éditions du Blé, 2001.

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Winnipeg, Manitoba, R3M 3S7

www.signature-editions.com

Table des matières / Table of Contents

Préface

Preface

Le soleil du lac qui se couche / The Setting Lake Sun

L'Auteur / The Author: J.R. Léveillé

La Traductrice / The Translator: S.E. Stewart

Œuvres de J.R. Léveillé / Also by J.R. Léveillé

Bibliographie critique sélective / Selected Bibliography

Préface

LE ROMAN DE J.R. LÉVEILLÉ,
Le soleil du lac qui se couche
, dont le titre se construit sur l'inversion d'un cliché majeur de l'esthétique romantique 
[1]
, marque le moment crucial d'une autre inversion qui affecte l'ensemble de son œuvre romanesque. En effet, si la représentation du désir comme absolu reste au cœur de son imaginaire, comme de son écriture, les trois premiers récits :
Tombeau
,
La disparate
,
Plage
(1968-1984), dans leur référence insistante à Georges Bataille, se situaient dans une conception transgressive de l'esthétique romanesque où le désir, figure de l'angoisse et de l'excès, génère les turbulences formelles de l'écriture. À partir de 1997, avec
Une si simple passion
,
Le soleil du lac qui se couche
,
Nosara
,
New York trip
, la pulsion désirante, dans sa dimension morbide et obsessionnelle, va faire place à une conception inverse, nourrie de pensée extrême-orientale (le Zen et le Tao) selon laquelle le désir maîtrisé met le sujet en relation avec le souffle cosmique qui fait de l'impermanence des choses la clé du renouvellement de l'être. La figure majeure de cette métamorphose, dans l'œuvre de Léveillé, est le poète japonais Matsuo Bashô, inventeur du haïku qui incarne en littérature l'esthétique zen 
[2]
.

Si l'on ne trouve que deux références directes à Bashô, écrivain japonais du 17
e
siècle, dans
New York trip
, la définition du haïku : « poésie classique japonaise. Trois vers, heptasyllabique, pentasyllabique, heptasyllabique », apparaît dans
Nosara 
[3]
, mais c'est surtout dans
Le soleil du lac qui se couche
que l'esprit zen, dont le haïku est l'expression poétique, imprègne l'univers romanesque à travers le personnage central, Ueno Takami. Ueno est, en effet, un poète japonais installé au Manitoba, qui initie la narratrice à l'esthétique zen : musique, peinture, philosophie. C'est lui, en particulier, qui développe, dans sa propre existence, le principe central du bouddhisme zen, le « Wabi-Sabi », déjà évoqué au début de
New York trip :
« Wabi : pas trop, pas trop peu ». Le Wabi-Sabi, c'est la voie du milieu qu'adopte le sage lorsqu'il accède au sentiment de l'impermanence des choses dans le jaillissement inépuisable de l'être. C'est ce sentiment qu'exprime le haïku. Il est au cœur de la pensée zen qui habite l'œuvre narrative de Léveillé à partir d'
Une si simple passion
. Mais c'est dans
Le soleil du lac qui se couche
qu'il atteint sa forme d'expression la plus complète et la plus pure.

On peut rappeler pour mémoire que le Zen est une forme dérivée du Bouddhisme Mahayana (Grand Véhicule) qui prend naissance en Chine sous le nom de Chan et qui passe au Japon sous la forme du Zen 
[4]
. Ce qui caractérise le Zen, c'est donc le Wabi-Sabi que l'on peut traduire encore par l'« ainsité » des choses : les choses sont ainsi, dans leur présence pure et la nature foncière de leur impermanence.

La pensée zen est rapprochée par Léveillé d'une autre pensée chinoise qui lui est antérieure : le Tao 
[5]
. La aussi, les référence au Tao sont très nombreuses dans l'œuvre et
Nosara
reprend intégralement l'un des fragments les plus célèbres du Tao-tö-king de Lao-Tseu :

Le Tao qui peut être dit n'est pas le Tao éternel. Le nom qui peut être nommé n'est pas le nom éternel. L'innommé est à l'origine du ciel et de la terre. La nomination est la mère de toute chose. Sans désir, on voit le mystère. Désirant, on voit les manifestations. Ces deux proviennent d'une même source, mais ne portent pas le même nom ; voilà qui paraît obscur. L'obscurité dans l'obscur. La porte de tout mystère 
[6]
.

Ce qui fait l'intérêt de cet extrait, c'est que la question du désir s'y trouve posée. En fait, si le Tao et le Zen sont deux pensées (et deux religions) distinctes, elles se rejoignent, pour Léveillé, dans la pratique du non-agir qui permet d'accéder à la délivrance bouddhiste ou d'adhérer à la Voie (sens du mot « tao »), cette voie désignant, non pas une « route » au sens occidental du terme, permettant d'aller d'un point vers un autre, mais le procès d'engendrement du monde dans la dynamique du souffle universel avec lequel le sage doit être en résonance. Car le non-agir ne désigne pas une passivité faite de renoncement comme on l'a cru trop souvent dans l'exégèse occidentale, mais simplement une volonté de laisser faire contre le principe d'intentionnalité. Le non-agir, c'est le vide dans l'action. Rapporté à la problématique romanesque de Léveillé, le non-agir désamorce la crise passionnelle qui était l'objet de ses premiers romans. Au contraire, le désir sous sa forme taoïste réveille une énergie, analogue au souffle universel dans lequel l'être se régénère indéfiniment.

Dès lors, la négativité bataillienne du désir disparaît pour faire place à une tensivité dont la jouissance même découle de deux principes que l'on retrouve à la fois dans le Zen et dans le Tao : le sentiment de la « présence » et l'adhésion à l'infinitude de l'être dans cette expérience de l'expansion propre au désir.

Le sentiment de la présence, c'est la rupture avec la conception d'un temps vectoriel orienté vers l'avenir. C'est la découverte que la plénitude d'être se réalise dans l'instant, c'est-à-dire dans le présent. D'où l'effacement, par le moi désirant, des turbulences liées aux incertitudes de l'avenir (la jalousie) ou à l'absence de l'être aimé (l'angoisse de la perte). Le désir qui obéit à la loi de l'instant transforme le tourment passionnel en jouissance d'un éternel présent. Dans ce retournement de la durée linéaire en succession d'instants, le désir participe à l'« ainsité » des choses…

Le sentiment d'expansion, quant à lui, transforme la tensivité du désir en communion avec l'être. Délivré des turbulences de la pulsion, le sujet désirant participe au jaillissement des choses : de la volupté érotique au plaisir d'être dans la proximité des objets les plus « simples ».

Cette expérience du désir, comme mode d'accès au jaillissement universel dans l'impermanence des choses, est essentielle dans
Le soleil du lac qui se couche
. C'est dans ce récit en effet que la perspective zen est la plus développée par une mise en relation, à travers Ueno et Angèle, de la sagesse extrême-orientale avec ce qu'on pourrait appeler une sagesse de la « plaine » vécue dans son étirement spatial et dans son infinitude. Car ce roman est aussi celui dans lequel la présence du Manitoba s'affirme le plus directement à la fois comme territoire d'enracinement et horizon d'ouverture. Angèle, par l'intermédiaire d'Ueno s'y rapproche de la simplicité originelle des choses dans le paysage enneigé de Thompson, tandis que Ueno reconnaît l'esprit zen du haïku dans un chant chippewan calligraphié pour lui par Angèle où non seulement la forme mais les motifs traditionnels de la poétique japonaise se retrouvent dans le chant des Indiens de la plaine :

Les eaux sont calmes

Le brouillard s'élève

Parfois

J'apparais.

En effet, si l'aventure zen implique une déterritorialisation, qui se manifeste, géographiquement, dans la plupart des récits, de
Nosara
à
New York trip
, ce qui fait l'originalité d'un roman comme
Le soleil du lac qui se couche
, c'est que Léveillé choisit d'inscrire dans le territoire natal le procès d'ouverture du sujet à une conception plus rhizomique de l'être, où le désir incarne l'énergie même du divers. C'est donc, paradoxalement, le cadre familier du Manitoba qui va permettre d'expérimenter le principe d'altérité contre les formes mimétiques et sclérosantes de l'identité racine.

Car c'est dans
Le soleil du lac qui se couche
que la question identitaire, liée à celle du désir, reçoit la réponse la plus radicale. En effet, Angèle, la narratrice est une Métisse, un peu honteuse de ses origines, qui ne connaît pas le mitchif car elle a fait ses études au Sacré-Cœur, dans un petit quartier francophone de Winnipeg, mais elle porte en elle les traces de sa double généalogie : une certaine démarche, tout d'abord, mais aussi une propension au rêve, senti comme non-distinct de la réalité, une manière particulière de rire et un sens inné de l'élémentarité. Ce sont ces traits, mêlés à sa culture francophone, qui lui donnent cette beauté « totémique » qui inspire le plasticien Aron et qui vont attirer le poète et peintre japonais Ueno Takami. Cette attirance pour une altérité forte, en plein territoire manitobain, est réciproque et au contact d'Ueno, poète zen et peintre taoïste, Angèle redécouvre le souffle originel du monde, l'énergie du primitif qui est aussi à la base de la sagesse amérindienne. C'est à ce souffle qu'elle adhère dans son désir pour Ueno, et l'enfant doublement métis qui naît de leur union, réconcilie le divers et l'origine, dans une conception plurielle de l'identité, selon la leçon même du Tao.

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