The Letters of T. S. Eliot, Volume 1: 1898-1922 (11 page)

BOOK: The Letters of T. S. Eliot, Volume 1: 1898-1922
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1–Appears to be misdated ‘18 Octobre’. Tuesday was the 17th.

2–
Translation
: Don’t think I have forgotten you. But for a few more weeks I shall be working twelve hours a day. With no great hopes, I am sitting the various parts of the examination a little below the level required for success; every day I tell myself I am too young. I am maintaining the momentum, exhausted but appropriately exhilarated by the tension.
    Excuse my haste in leaving you. I was pleased to have your letter; we will talk together some other time. Cordially, J. Verdenal
    PS I have lunched occasionally with Prichard, who seems to me to be on the wrong course – an ‘artificial’ course, I should say, in relation to morality(?). 

 
 
 
1912
 
FROM
Jean Verdenal
 

MS
Houghton

 

Lundi 5 Février 1912

151 bis [rue St Jacques, Paris]

Cher ami,

L’abrutissement de ces derniers mois de galère m’a laissé bien paresseux. Depuis un mois mon concours est fini; suis nommé Interne provisoire et devrai recommencer le métier l’été prochain et l’automne. Zut. Enfin c’est un échelon. Mais recommencer encore à être asservi aux mêmes chinoiseries creuses que cet été, refréner toute émotion et toute, si petite fût-elle, lueur d’intelligence!

N’y pensons plus. Après ma dernière épreuve quelques semaines de vacances étaient imposées – repos béat en province dans la neutralité d’une bonne nourriture et de promenades réglées, avec le débouché sentimental de la vie de famille. Depuis quinze jours je suis à Paris et peu à peu reprends contact avec la vie, à tâtons, comme le conducteur de tramway raccroche le trolley au fil électrique. – Je ne sais trop à quoi me raccrocher – peu d’amis (mon meilleur ami est en voyage), pas de relations les ayant toutes plaquées volontairement depuis plusieurs mois, plus d’habitudes pour remplir le temps intelligemment, et la pluie tombe. Je me rabats sur mes bouquins – avec méfiance cependant – c’est très artificiel. Je sens de vagues nostalgies, et je mordrais facilement à n’importe quoi. Et ce qu’il faut avant tout éviter, c’est de faire exprès la course à un idéal artificiel. La musique va plus directement au fond de moi-même et j’en entends assez ces joursci (toujours Wagner surtout). Je commence à me reconnaître dans la Tétralogie. Chaque fois le drame s’éclaire et les passages obscurs prennent une signification. Tristan et Y., du premier coup vous émeuvent atrocement, et vous laissent aplati d’extase, avec une soif d’y revenir. Mais je bafouille, tout cela est confus et difficile, et impossible à raconter, nécessairement (sans cela on n’aurait pas éprouvé le besoin de le dire en musique). Tout de même, je serais heureux de savoir que vous entendez du Wagner vous aussi en Amérique, ainsi que du Franck si vous en avez l’occasion. C’est ce qui m’intéresse le plus pour le moment.

Je vois quelquefois Prichard, pour déjeuner dans un restaurant végétarien qui a l’air d’une boutique (c’en est une). On y mange des choses aux noms étranges comme ceux d’une religion inconnue; les initiés
commandent sans la moindre gêne ‘une protose aux poivrons’, un ‘nuttolène’. Ces noms de chimie organique répondent à des choses qui simulent la viande sans en être, comme il y a aussi des bouteilles de jus de raisin non fermenté simulant le vin. Je déteste ce genre de choses. Les végétariens sont des êtres dignes de louanges; on voit des habitués, des vieilles filles avant tout, des étudiantes étrangères, des préparateurs de quelque chose dans une faculté, des hyperboréens – ils ont la conscience d’accomplir un rite en mangeant leur lait caillé Bulgare; ce sont des convaincus qui démontrent aux autres qu’ ‘on peut fort bien se passer de viande’. C’est merveilleux de pouvoir s’emballer pour de semblables choses et cela dénote une grande âme. Ce bon Prichard raconte un peu toujours la même chose; cet homme qui prêche la vie et l’action est un des êtres les plus figés que je sache – parfois il dégage un peu d’ennui. Et cependant j’aime sa sincérité, son sens des verités vitales, sa bonté, quoique parfois appliquée à des choses inutiles (y a-t-il des choses inutiles?). Quand je parle plus d’une heure avec lui, j’ai un mal de tête. Ne trouvez-vous pas qu’il y a toujours une certaine
gêne
à l’écouter? Et puis par moments il expose mal, il embrouille physique et métaphysique (à propos des couleurs). L’absolu de certaines de ses affirmations m’agace un peu – eh! n’avonsnous pas assez déjà de systèmes. Je ne parviens pas à voir ce qu’il y a derrière, ce qui importe. Qu’est-ce que cache son visage anguleux, aux yeux petits mais profonds? Je ne crois pas que nous nous comprenions fort bien l’un l’autre, et notre amitié ne progresse pas. Je vous en reparlerai. (N’attribuez pas grande valeur à tous mes jugements actuels, soyez indulgent pour mon abrutissement en pensant que peut-être il est passager.)

Je suis flémard et déshabitué de tout effort intellectuel. Vingt fois, cher ami, depuis un mois j’ai voulu vous écrire, et n’ai pas la force de le réaliser. Cela devient inquiétant, cette mollesse. J’occupe votre petite chambre de l’an dernier, et j’aime que le lit soit dans un petit renfoncement, mais les dessins du papier (vous en souvient-il?) m’ont bien souvent exaspéré. Zut, je viens d’avoir l’idée de vous envoyer un tout petit bout de ce papier en question – au même instant je m’aperçois que l’idée n’est pas de moi et me vient d’une lettre de J. Laforgue,
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et je n’en ferai rien. Je ne suis pas sûr d’avoir jamais eu une idée personnelle. Je voudrais n’avoir rien lu, ni rien entendu dire, jamais. Quand retrouverai-je un peu de cette spontanéité, de cette ardeur que j’avais (oh bien mal placée, cher ami, placée dans la science) que j’avais vers mes dix-huit ans? Je ne suis pas fait pour être mélancolique (et puis c’est
trop romantique), je ne sais guère agir; et si j’agis, (ô l’action, ô Bergson) je suis assez malin pour qu’un sincère regard vienne bientôt analyser la joie d’agir et la détruire. Il est vrai que mon action s’exerce à des métiers bizarres – si artificiels (comme apprendre de mémoire des descriptions de maladies, comme dessiner en couleurs des organes – ça c’est assez amusant, encore).

Toutes mes ardeurs, aujourd’hui vaines comme un feu d’artifice raté, pourront-elles un jour pleinement s’épanouir? L’espérance me reste encore, mon vieux, douce et grave, voilée encore et peut-être demain souriante …

Mon cher ami, nous ne sommes pas très loin, vous et moi, de la limite au dela de laquelle les êtres perdent, l’un l’autre, je ne sais quelle influence, quelle puissance d’émotion naissant à nouveau quand ils sont rapprochés. Ce n’est pas seulement le temps qui peut faire l’oubli – la
distance
(l’espace) y a une part qui est grande. Elle déjà pèse entre nous, sans doute (avouons le franchement) puisque des occupations stupides, et beaucoup de paresse ont tellement raréfié ma correspondance. Cela m’obsédait, (sur un plan peu conscient encore, émergeant parfois) que je ne vous aie pas écrit depuis plusieurs mois. Ceci excuse la longueur de cette lettre et son décousu. Ecrivez-moi de vos nouvelles, avec détails suggestifs, comme vous savez; secouez votre gracieuse nonchalance et donnez-moi un peu de temps volé à vos études – si indigne que j’en sois. Je ne vois pas trop quelle figure vous pouvez faire parmi tous ces Americains (il doit encore en rester là-bas, malgré tous ceux qui sont ici). J’oubliais de vous donner des nouvelles de la boîte – tout est absolument pareil (c’est la 2474me fois ce soir que je vois Madame Casaubon tenir sa serviette entre son menton et sa gorge pendant que ses mains ridées remuent la salade). Il y a votre philosophe Fuller.
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C’est un homme charmant; bon garçon, aimable, très joyeux camarade avec tout le monde et plein d’anecdotes. J’ai cru longtemps que je ne pourrais rien en tirer mais je me suis trompé: nous faisons ensemble de la gymnastique suédoise tous les matins. En ce moment il est à Rome auprès de sa mère. Louise Rousselot se marie – avec un agrégé.

Cher ami, je vous serre la main.

Jean Verdenal

Je recopie cette phrase d’A. Gide
3
qui me plaît infiniment ces jours-ci:


Alternative
– Ou d’aller encore une fois, ô forêt pleine de mystère, jusqu’à ce lieu que je connais où, dans une eau morte et brunie, trempent et s’amollissent encore les feuilles des ans passés, les feuilles des printemps adorables.’


4

1–‘What can I send you as a souvenir this time?’ Laforgue asked his sister Marie in a letter of Sept. 1881. ‘From the corner behind the chest of drawers in my room I have cut a piece of wallpaper. Treasure it’ (
Oeuvres Complètes de Jules Laforgue
[Paris, 1925], IV, 13).

2–B. A. G. Fuller (1879–1956): later Professor of Philosophy at Harvard; author of
A History of Greek Philosophy
(1923).

3–The penultimate sentence of André Gide,
Paludes
(1895).

4–
Translation
: Dear Friend, The drudgery of these last months as a galley-slave has left me feeling very lazy. My examination ended a month ago; I have been given a temporary appointment as houseman, and must begin work again next summer and autumn. Damn. Still, it’s a step on the ladder. But to think of being in thrall to the same vacuous complexities as during last summer, and having to suppress all emotion and any glimmer of intelligence, however minute!
    Let’s forget about it. After the final session, I had to take a few weeks’ holiday – blissful provincial rest in a neutral atmosphere of good food and regular walks, and with the sentimental release of family life. I have been in Paris for a fortnight, and am gradually reestablishing contact with life, tentatively, as a tram-driver fits the trolley-pole back on to the power-wire. I am at a loss to know what to hang on to – few friends (my best friend is away), no acquaintances, since I deliberately dropped them all some months ago, no habits with which to fill time intelligently, and the rain is coming down. I fall back upon my books – mistrustfully, however – the expedient is very artificial. I feel vague surges of melancholy and could easily get absorbed in anything. And what must be avoided above all is chasing deliberately after some artificial ideal. Music goes more directly to the core of my being, and I have been listening to it quite a lot recently (still mainly Wagner). I am beginning to get the hang of
The Ring
. Each time the plot becomes clearer and the obscure passages take on a meaning.
Tristan and Isolde
is terribly moving at the first hearing, and leaves you prostrate with ecstasy and thirsting to get back to it again. But I am not making much sense, it is all so confused and difficult, and impossible to put into words, and necessarily so (otherwise, no one would have felt the need to express it in music). However, I should be happy to know that you too are able to hear some Wagner in America, and something by Franck as well, if you get the opportunity. This is what I am most interested in at the moment.
    I see Prichard occasionally for lunch in a vegetarian restaurant which looks like a shop (it is one). The dishes have strange names, like those of some unknown religion; initiates think nothing at all of ordering ‘a
protose
of peppers’, a ‘nuttolène’ [a type of vegetarian loaf]. These names, smacking of organic chemistry, correspond to substances which pretend to be meat without being so, just as there are bottles of unfermented grape-juice pretending to be wine. I hate this sort of thing. Vegetarians are praiseworthy people; there are
habitués
among them, elderly spinsters especially, foreign women-students, technicians from some university laboratory or other, and Hyperboreans – they are conscious of performing a rite as they consume their Bulgarian curds; they are convinced people, demonstrating to others that ‘it is quite easy to do without meat’. It is wonderful to be able to enthuse about such things, and a sign of greatness of soul. The worthy Prichard’s conversation is still more or less the same; although he preaches in favour of life and action, he is one of the most hidebound individuals I know – sometimes he can be ever so slightly boring. Yet I like his sincerity, his instinct for vital truths, and his goodness, although it is sometimes directed towards useless matters (are there useless matters?). If I talk with him for more than an hour, I am left with a headache. Don’t you find listening to him always rather a
strain
? And then, at times, he expounds his ideas badly, mixing up physics and metaphysics (in connection with colours). The absolute nature of some of his assertions irritates me a little – well, haven’t we enough systems already? I cannot see what lies behind them, what is important. His bony face, with its small, deepset eyes hides what, exactly? I don’t think we understand each other very well and our friendship is not progressing. I will tell you about it some other time. (Don’t attach any great value to my present judgements; excuse my stupefied state with the thought that it is perhaps only temporary.)

I am feeling work-shy and have lost the habit of intellectual effort. Twenty times, my dear fellow, during the last month I have felt like writing to you, and haven’t had the strength to do so. This listlessness is becoming rather worrying. I now occupy the little room that was yours last year, and I like having the bed in a little recess, but the pattern of the wallpaper (do you remember it?) often gets on my nerves. Damn. It occurred to me a moment ago to send you a little piece of wallpaper – then I immediately realised that the idea was not mine but that I had got it from a letter by J. Laforgue, so I will abstain. I am not sure of ever having had an idea that really belonged to me. I wish I had never read or heard anything, ever. When shall I recover a little of the spontaneity and enthusiasm that I had (oh, it was quite wrongly invested, dear friend, invested in science) that I had around the age of eighteen? I was not made to be a melancholic (anyway, melancholy is too romantic), and I have little gift for action; and if I act (O action, O Bergson), I am bright enough to take a sincere look at the joy of action and destroy it by analysis. It is true that action, in my case, is applied to bizarre, highly artificial practices (such as learning descriptions of diseases by heart or making coloured drawings of organs – the latter, actually, is quite amusing).

Will my enthusiasms, now as inoperative as damp squibs, ever be able to flower fully? The hope still remains with me, my dear fellow, a sweet and serious hope, as yet veiled but tomorrow, perhaps, wreathed in smiles …

My dear friend, we are not very far, you and I, from the point beyond which people lose that indefinable influence and emotive power over each other, which is reborn when they come together again. It is not only time which causes forgetfulness – distance (space) is an important factor. It is already, no doubt, making itself felt between us (let us admit this frankly), since my stupid occupations and considerable laziness have made my letters few and far between. I was bothered by the thought (sometimes only half-conscious, at other times fully so) that I had not written to you for several months. That is the excuse for the length of this letter and its disjointedness. Send me news of yourself, with evocative details, as you know how; shake off your elegant indolence and grant me a little time filched from your studies, however unworthy of it I may be. I cannot quite imagine what sort of figure you cut among all those Americans (there must still be some left in America, despite the number here). I had almost forgotten to give you news of the
pension
– everything is just the same (this evening, for the 2474th time, I shall see Madame Casaubon hold her napkin between her chin and her chest as her wrinkled hands mix the salad). Your philosopher, Fuller, is still here. He is a charming man; decent, likeable, hail-fellow-well-met with everyone, and full of stories. For a long time, I thought I would be able to make nothing of him, but I was wrong; we do Swedish exercises together every morning. At the moment, he is in Rome with his mother. Louise Rousselot is getting married – to an
agrégé
.

Dear friend, I shake your hand. Jean Verdenal

I am copying out here a sentence by André Gide, which has given me enormous pleasure during the last few days: ‘The Alternative: – Or to go once more, O forest filled with mystery, to that place I know, where, in darkened, stagnant water, the leaves of bygone years are still steeping and softening – the leaves of adorable springtimes.’
Excuse the handwriting – the spelling, the style and the crossings out – but I was in the habit of sometimes coming down to your room in an old jacket, collarless and in slippers.

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